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«Si vous appelez Petkovic au milieu de la nuit, il viendra»

Coordinateur sportif de l’équipe de Suisse, le Vaudois Vincent Cavin, 45 ans, sert de trait d’union entre les joueurs et l’entraîneur Vladimir Petkovic. Au cœur de cet Euro échevelé, il décrit un groupe qui a ployé sous les critiques. Avant de se relever. Interview.

Marc David

epa09288821 Xherdan Shaqiri (R) of Switzerland celebrates after scoring the 2-0 goal during the UEFA EURO 2020 group A preliminary round soccer match between Switzerland and Turkey in Baku, Azerbaijan, 20 June 2021. EPA/Ozan Kose / POOL (RESTRICTIONS: For editorial news reporting purposes only. Images must appear as still images and must not emulate match action video footage. Photographs published in online publications shall have an interval of at least 20 seconds between the posting.)

La Nati s'est relancée en battant de manière convaincante la Turquie le 20 juin à Bakou. En ballottage favorable, elle apprendra le lendemain qu'elle est qualifiée pour les 1/8es de finale.

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Un match nul, une défaite, une victoire. Reine du consensus, la Suisse a passé en revue en huit jours et trois matchs la panoplie des sentiments: l'agacement, l'impuissance, l'euphorie. Du premier but de la tête d’Embolo irrésistible contre le Pays de Galles aux ballons enroulés de Shaqiri contre la Turquie en passant par le désert de Gobi vécu face à l’Italie, elle a tout visité, et le public suisse avec elle, courageux quoique éprouvé. Premier constat, le foot marche, les gens ont envie de vibrer, de se mettre en colère, toutes ces puissantes émanations collectives que la pandémie avait suspendues.

Ils étaient 200 000 téléspectateurs contre Galles, 344 000 contre l’Italie, 491 000 contre la Turquie, massés chez eux ou sur des terrasses astucieusement improvisées. Pour le huitième de finale, les Suisses seront encore davantage. A analyser, à pronostiquer. A vivre. A critiquer, aussi.

L’équipe a été visée et même moquée. Hormis l’affaire du coiffeur dépêché à Rome pour blondir Xhaka et Akanji, même l’ex-capitaine Alexander Frei s’y est mis: «Ils roulent en Ferrari, moi c’était en Mazda. C’est une partie du problème.» Or, contre la Turquie, Zuber a joué comme quatre, Seferovic sorti un but de nulle part, Sommer dit non à tous les tirs. Quelqu’un les connaît bien, les pratique au quotidien. Coordinateur sportif de l’équipe, l’ex-joueur Vincent Cavin sert de trait d’union entre les sélectionnés et l'entraîneur. Il donne sa vision , fine et nuancée.

FUSSBALL EM 2016 QUALIFIKATION TEAM SCHWEIZ TRAINING

Vincent Cavin, ici lors de la préparation de la Nati en vue du dernier Euro, en 2016.

Dominic Steinmann
FUSSBALL EM 2016 QUALIFIKATION TEAM SCHWEIZ TRAINING

Vincent Cavin, ici lors de la préparation de la Nati en vue du dernier Euro, en 2016.

Dominic Steinmann

- Avant le match contre la Turquie, qu’avez-vous senti?
- Vincent Cavin: Une tension, peut-être la plus grosse que j’aie connue en cinq grands tournois. Il y avait l’envie de bien faire, un adversaire coriace. Mais on sentait que l’équipe était là. A ma famille, qui me demande toujours comment cela va aller, j’ai dit que j’étais tranquille. Je le sentais à l’en- traînement, il y avait des indices.

- Vladimir Petkovic a écrit une lettre pour mobiliser le peuple suisse avant le match. Comment l’avez- vous vécu?
- J’ai bien aimé. C’était un bon message pour tous. Juste dire que nous sommes comme tout le monde, là pour offrir des émotions aux gens.

- Comment avez-vous subi les critiques?
- Cela fait longtemps qu’une certaine presse est opposée à la gestion actuelle. C’est dommage car, avec la pandémie, les gens ont envie de positif, pas d’être bombardés de polémiques. Comme supporter, on passe vite d’un extrême à l’autre, de tout va bien à tout va mal. Dans ce tournoi, on a pris acte des cri- tiques justifiées, on les a affrontées. Après l’Italie, les joueurs se sont réunis entre eux, pour redéfinir nos valeurs, se dire qui on était et où on voulait aller.

- Les critiques les touchent, même s’ils jouent tous dans de grands clubs?
- Oui, même s’ils disent le contraire. En- core plus aujourd’hui avec les réseaux so- ciaux. Pour un joueur, c’est compliqué; il est facile d’avoir un impact direct sur lui, de l’insulter. Dans la presse, si je prends l’histoire des voitures, des coiffeurs, quel est le but? Monter les gens contre les joueurs qui roulent en Ferrari? Cela n’amène que de la négativité.

- Comment les ressentez-vous?
- Ce sont tous des bons gars, pas comme on aime parfois à les caricaturer. Pour moi, au niveau des caractères, ils sont juste une représentation de ce qu’on trouve dans la société. Avant, j’étais dans la formation des jeunes, au Tessin. Or, en arrivant en équipe nationale, j’ai été impressionné de constater comment rien ne changeait. Tout est pareil, tout le monde est aussi naturel.

Quand l'Euro de foot réveille l'Europe

epa09288821 Xherdan Shaqiri (R) of Switzerland celebrates after scoring the 2-0 goal during the UEFA EURO 2020 group A preliminary round soccer match between Switzerland and Turkey in Baku, Azerbaijan, 20 June 2021. EPA/Ozan Kose / POOL (RESTRICTIONS: For editorial news reporting purposes only. Images must appear as still images and must not emulate match action video footage. Photographs published in online publications shall have an interval of at least 20 seconds between the posting.)
epa09265777 Romelu Lukaku of Belgium (R) and teammates kneel before the UEFA EURO 2020 group B preliminary round soccer match between Belgium and Russia in St.Petersburg, Russia, 12 June 2021. EPA/Kirill Kudryavtsev / POOL (RESTRICTIONS: For editorial news reporting purposes only. Images must appear as still images and must not emulate match action video footage. Photographs published in online publications shall have an interval of at least 20 seconds between the posting.)
Germany's defender Antonio Ruediger (L) challenges Portugal's midfielder Bernardo Silva during the UEFA EURO 2020 Group F football match between Portugal and Germany at Allianz Arena in Munich, Germany, on June 19, 2021. (Photo by CHRISTOF STACHE / POOL / AFP)
ROME, ITALY - JUNE 16: Francesco Acerbi of Italy battles for a header with Breel Embolo of Switzerland during the UEFA Euro 2020 Championship Group A match between Italy and Switzerland at Olimpico Stadium on June 16, 2021 in Rome, Italy. (Photo by Alberto Lingria - Pool/Getty Images)
HAVERTZ Kai Team Deutschland mit Torwart PATRICIO Rui UEFA Fussball Europameisterschaften 2020 Vorrunden Spiel Portugal - Deutschland 2 : 4 am 19.Juni 2021 in Muenchen DFL REGULATIONS PROHIBIT ANY USE OF PHOTOGRAPHS as IMAGE SEQUENCES and/or QUASI-VIDEO *** HAVERTZ Kai Team Germany with goalkeeper PATRICIO Rui UEFA European Football Championship 2020 preliminary round match Portugal Germany 2 4 on 19 June 2021 in Munich DFL REGULATES PROHIBIT ANY USE OF PHOTOGRAPHS as IMAGE SEQUENCES and or QUASI VIDEO
Scotland's goalkeeper David Marshall is caught in the goal's net after he failed to safe a long distance shot by Czech Republic's Patrik Schick during the Euro 2020 soccer championship group D match between Scotland and Czech Republic at Hampden Park stadium in Glasgow, Monday, June 14, 2021. (AP Photo/Andy Buchanan, Pool)
ROME, ITALY - JUNE 20: Jorginho, Alessandro Bastoni, Matteo Pessina, Gianluigi Donnarumma and Leonardo Bonucci of Italy sing the national anthem prior to the UEFA Euro 2020 Championship Group A match between Italy and Wales at Olimpico Stadium on June 20, 2021 in Rome, Italy. (Photo by Claudio Villa/Getty Images)
Slovakia's midfielder Marek Hamsik reacts during the UEFA EURO 2020 Group E football match between Sweden and Slovakia at Saint Petersburg Stadium in Saint Petersburg on June 18, 2021. (Photo by ANTON VAGANOV / POOL / AFP)
MUNICH, GERMANY - JUNE 19: Cristiano Ronaldo of Portugal looks dejected following defeat in the UEFA Euro 2020 Championship Group F match between Portugal and Germany at Football Arena Munich on June 19, 2021 in Munich, Germany. (Photo by Kai Pfaffenbach - Pool/Getty Images)
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Bakou, Suisse-Turquie, 20 juin. Xherdan Shaqiri (à dr., avec Silvan Widmer et Remo Freuler) vient d’enrouler une merveille de frappe du pied droit et de trouver la lucarne du but du gardien turc, Ugurkan Cakir. La Suisse mène 2-0 dans un match qu’elle gagnera 3-1. Après un nul contre le Pays de Galles (1-1) et une défaite face à l’Italie (0-3), elle se relance dans la course aux huitièmes de finale.

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- Quelle est l’importance de Petkovic?
- Fondamentale. Les joueurs le connaissent mieux que les journalistes. Pour cela, il faut le côtoyer. Il est différent de ce que l’on croit.

>> Lire aussi l'interview de Petkovic avant l'Euro: «La Nati est meilleure, plus mûre et plus sereine»

- Quels sont ses aspects méconnus?
- Il a certes un air sérieux, il en impose physiquement. Mais il est surtout humain. Aux joueurs qui le découvrent, je dis: «Si vous l’appelez au milieu de la nuit pour un problème, il sautera dans sa voiture et viendra.» Il est très relationnel. Il pousse aussi les joueurs à être autonomes, entreprenants. C’est important, car on recommence presque à chaque fois à zéro. Petkovic a les épaules larges. Un collègue a l’habitude de dire: «Si je devais aller à la guerre, je prendrais Vlado...» Rester fort dans la tourmente, avoir une ligne et donner confiance, ce n’est pas donné à tout le monde.

- L’équipe est-elle fatiguée par ses déplacements?
- Je ne le pensais pas, mais oui, cela a un impact. Nous avons souvent été assommés, même en gardant le fuseau horaire de Rome à Bakou, en mangeant à 22 h 30. Un Euro où des équipes jouent trois fois chez elles, ce n’est à l’évidence pas normal.

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