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Au café du coin

Un café avec Guy Parmelin

Cette première rencontre est un sommet: à 1481 mètres d’altitude, dans le village grison de Mulegns. Le président de la Confédération et la Présidente d’UBS Suisse, Sabine Keller-Busse, discutent avec nos lectrices et lecteurs. Les thèmes? Télétravail, numérisation et Biden-Poutine.

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Café du coin

Deux joyeuses tablées avec (de g. à dr.) Milena Keller, Werner De Schepper, Sabine Keller-Busse, Guy Parmelin, Gian Reto Staub, Eliane Keller et Martin Rüfenacht.

Kurt Reichenbach

Mulegns, autrefois, servait de relais aux diligences qui attaquaient le col du Julier. C’est là que l’on changeait d’attelage. De nos jours, le village grison ne compte plus que 16 habitants. La légendaire Villa Blanche a été écartée de quelques mètres de la route après une opération spectaculaire et sert aujourd’hui de café-confiserie. A l’orée du village, on assistera à une première mondiale: à l’été 2022, une tour de 29 mètres deviendra l’édifice le plus haut jamais construit par des robots à l’aide d’une imprimante 3D.

Mardi, 9 heures: le président de la Confédération, Guy Parmelin, 61 ans, la responsable d’UBS Suisse, Sabine Keller-Busse, 55 ans, le futur directeur régional d’UBS pour la Suisse orientale, Gian Reto Staub, 44 ans, et, parmi le lectorat de la Schweizer Illustrierte, Milena Keller, 26 ans, institutrice à Wil (SG), sa maman, Eliane Keller, 54 ans, et Martin Rüfenacht, 50 ans, ingénieur électricien venu de Horriwil (SO), s’installent dans le café.

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- Monsieur le président, où l’ambiance est-elle la plus tendue, avec Biden et Poutine le 16 juin ou à cette table de café?
- Guy Parmelin: Le stress est tout aussi grand (il sourit). Le contact avec les citoyens est évidemment la base du travail politique. Lors de telles rencontres, je ne sais jamais de quoi on me parlera. Tandis qu’avec Biden et Poutine l’essentiel était programmé. La vraie différence, c’est qu’à Genève il a fallu des milliers de personnes pour préparer l’événement, alors que seules 16 personnes vivent ici.
- Sabine Keller-Busse: C’est un grand honneur que la Suisse puisse régulièrement servir de plateforme à la diplomatie internationale. C’est une bonne base pour ce qui compte pour notre pays: de bonnes relations politiques et économiques internationales. Le sommet de Genève contribue sûrement à la place économique suisse.

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Guy Parmelin, du sommet de Genève du 16 juin avec les présidents Vladimir Poutine et Joe Biden… au sommet de Mulegns avec notre lectrice Milena Keller (à g.) et la Présidente d’UBS Suisse, Sabine Keller-Busse.

Kurt Reichenbach

- Après le sommet, on a eu l’impression que les seuls vrais vainqueurs, c’étaient nous, les Suisses.
- Guy Parmelin: Il importait surtout que les deux grandes puissances en possession d’un arsenal atomique se retrouvent physiquement à la même table. Il y a actuellement beaucoup de foyers de conflit: Biélorussie, Ukraine, pays baltes, le débat sur l’OTAN… La Suisse a fourni une organisation impeccable, notamment sur le plan de la sécurité. Tout a été planifié à la minute près. La pression était grande, nous ne pouvions nous permettre la moindre erreur. Et la Suisse a eu trente à quarante minutes d’entretiens séparés avec les deux grandes puissances.

>> Lire également: Guy Parmelin, le président qui fait du bien

- Comment se prépare-t-on à un tel événement?
- Pas avec du yoga, je suis trop rouillé pour ça (il rit). Un tel sommet est une opportunité unique: il faut être bien réveillé et concentré et il faut strictement respecter le protocole. Mais tout cela vaut aussi pour un dialogue avec des citoyens à une table de café.

- Quel effet les deux hommes les plus puissants de la planète ont-ils produit sur vous?
- Tous deux étaient très bien préparés. Mais ils ont des styles complètement différents. Biden, par exemple, a été épaté par le paysage.

- C’est pourquoi vous avez parlé avec lui du paradis suisse mais pas du paradis fiscal suisse.
- Exact. Mais je lui ai dit que nous respections les directives de l’OCDE. Reste qu’il y a des choses qu’on ne peut pas prévoir: quand une limousine est arrivée et que j’ai voulu saluer Poutine, c’est Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères, qui en est sorti.
- Sabine Keller-Busse: (Elle rit.) Mais pour le reste, le timing était parfait. En quelques semaines, à partir de rien, une fantastique organisation a été mise sur pied.
- Milena Keller: Madame Keller-Busse, j’aurais une question personnelle. Je suis en train de m’établir dans ma vie professionnelle. Or j’éprouve parfois des doutes. N’avez-vous jamais eu le sentiment qu’en tant que femme vous deviez en faire plus qu’un homme?
- Sabine Keller-Busse: J’ai moi aussi des moments de doute. Tout le monde en a. Mais je n’ai jamais eu l’impression que je devais en faire davantage qu’un homme. Ce qui compte, c’est d’avoir confiance en soi. C’est une belle expérience de surmonter ses doutes, c’est comme gravir une montagne. Mais il faut un bon contexte qui nous stimule à l’occasion. Il va de soi qu’un peu de saine ambition est utile. Et lorsqu’on veut atteindre quelque chose, il faut créer des réseaux qui non seulement nous renforcent, mais nous fournissent aussi des feed-back sincères.
- Milena Keller: En tant qu’enseignante, je me demande parfois comment m’y prendre pour faire progresser les enfants défavorisés.
- Sabine Keller-Busse: Tout passe par l’enthousiasme. Les enfants sont ouverts et curieux. Je juge important d’éveiller et d’encourager la passion des enfants. Je me suis toujours efforcée de faire les choses avec cœur. Je constate que les écoliers d’aujourd’hui sont déjà très avancés. Mes enfants ont reçu des impulsions à l’école primaire déjà. Ils ont par exemple visité le Kunsthaus de Zurich avec l’école et ont étudié Miró. De mon temps, ça ne se faisait pas.

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La responsable d’UBS Suisse Sabine Keller-Busse et le président Guy Parmelin, un débat cordial.

Kurt Reichenbach

Comment s’est passée la transition au télé-enseignement au début de la pandémie?
- Milena Keller: Au début, nous n’avions pratiquement pas d’instruments numériques. Mais ensuite, c’est allé très vite. Nous avons créé des plateformes numériques et y avons entièrement transféré l’enseignement. Mais le problème était qu’à la maison pas mal d’enfants n’avaient plus de structures.
- Sabine Keller-Busse: De nos jours, les enfants sont des pros de l’informatique. Et nous sommes tous devenus plus numériques au fil de la pandémie. On a vu des grands-parents raconter des histoires à leurs petits-enfants via Zoom.
- Guy Parmelin: L’accélération de la numérisation comporte beaucoup d’avantages qui nous demeureront acquis. Par exemple, autrefois nous procédions toujours aux entretiens préparatoires pour la séance du Conseil fédéral en présence physique le lundi. Désormais, c’est numérique. Mais il faut aussi trouver le juste équilibre. Beaucoup de gens veulent retourner au bureau, je peux le comprendre. Car pour prendre les bonnes décisions, il faut parfois boire un café ensemble.
- Sabine Keller-Busse: En bons Suisses, nous choisissons le juste milieu. Il y a des collaborateurs qui souhaitent revenir au bureau à plein temps et d’autres qui voudraient continuer de travailler à temps partiel chez eux. Sur le principe, on peut dire que le télétravail fonctionne très bien pour peu que les collaborateurs se connaissent. Nous allons proposer, là où c’est possible, un surcroît de flexibilité entre présence au bureau et télétravail. Mais en même temps nous devrons nous assurer que les collaborateurs se retrouvent régulièrement en équipe au bureau pour échanger, car c’est impératif pour une bonne culture d’entreprise. Si bien que les espaces traditionnellement dévolus aux bureaux se mueront en zones de rencontre.
- Gian Reto Staub: Il y a toujours eu des changements. Je me souviens de la machine à écrire mécanique de mon premier emploi. Aujourd’hui, c’est une pièce de musée. Dans l’activité bancaire, une présence physique est importante, on reste très humains. Beaucoup de clients entendent rencontrer personnellement leur conseiller. Nous devons sentir quand il faut un contact personnel. Il faut de la confiance mais également des processus numériques presse-bouton. L’employé moderne est en quelque sorte hybride.

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La responsable d’UBS Suisse Sabine Keller-Busse et le président Guy Parmelin, un débat cordial.

Kurt Reichenbach

- Martin Rüfenacht: Pendant la crise sanitaire, le médecin sur l’écran a soudain pris de la valeur. Et le conseiller bancaire à distance aussi. Mais je souhaite que, la prochaine fois, nous n’ayons pas besoin d’une crise pour ça.
- Gian Reto Staub: Si tu ne veux pas que la numérisation te rattrape, tu dois te préparer. A Mulegns, ce processus ne se manifeste peut-être pas aussi vite qu’à Zurich, mais il s’y manifeste quand même.
- Sabine Keller-Busse: Je confirme. Si nous avions entrepris d’investir dans le numérique seulement à l’arrivée de la pandémie, nous n’aurions pas aussi bien maîtrisé la crise, ni comme pays, ni comme banque.
- Eliane Keller, la maman: Nos enfants ont grandi avec l’informatique, ils connaissent les processus techniques par cœur. Mais nous, les plus âgés, au début, nous étions dépassés. Mon père souffre de ne plus pouvoir aller une fois par semaine au guichet de la banque. Et, en tant que juge de district, je sais à quel point le contact humain est essentiel: quand on est le destinataire d’une sentence, elle doit être prononcée par une personne en chair et en os.
- Milena Keller: Monsieur le président, la pandémie a-t-elle été pour les gens l’occasion de s’intéresser davantage à la politique?
- Guy Parmelin: Oui. Mais la politique nécessite de la patience et de la persévérance. C’est souvent les travaux d’Hercule. Je ressens personnellement que beaucoup plus de gens s’y intéressent désormais. Mes neveux et nièces m’interpellent parfois inopinément pour me demander comment je vois tel ou tel dossier. La conscience politique s’est aiguisée durant la pandémie. C’est bien. Si tu ne t’occupes pas de politique, c’est la politique qui s’occupera de toi.
- Milena Keller: Et comment les choses se passaient-elles au Conseil fédéral pendant la crise sanitaire?
- Guy Parmelin: L’an dernier fut une période très difficile. Nous devions décider vite. C’est justement dans de tels moments qu’il importe d’être physiquement présent. Car on se comprend mieux lorsqu’on observe le langage corporel de l’interlocuteur. Si bien qu’au sein du Conseil fédéral nous nous sommes même rapprochés. Nous souhaitons toujours décider en équipe. Bien sûr qu’il y a forcément des critiques. En tant que politicien, il faut s’y faire, sans quoi on s’est trompé de voie.
- Milena Keller: Monsieur le président, les campagnes pour les élections et les votations passeront-elles désormais par le numérique et les réseaux sociaux?
- Guy Parmelin: Tout au plus en partie. Le contact direct avec les citoyennes et les citoyens reste irremplaçable. Je me souviens d’un débat dans une salle communale, du temps où j’étais conseiller national, où tout le monde était contre moi. A la fin du débat, 18 personnes m’ont dit que j’avais su les convaincre. Autant dire 18 nouveaux suffrages. Ce n’est qu’en argumentant en personne que l’on peut convaincre les gens.

Café du coin

Werner De Schepper, corédacteur en chef de la «Schweizer Illustrierte», salue Guy Parmelin à son départ.

Kurt Reichenbach

 

«Les Grisons font partie des cantons phares»

 

En marge de l’opération Café du Coin, les analystes d’UBS éclairent la situation économique de chaque canton où nous débattrons.

La compétitivité économique du canton des Grisons est plutôt inférieure à la moyenne des autres cantons. Compte tenu de sa situation (une grande partie de la surface est occupée par les Alpes), les entreprises dynamiques aux perspectives solides y sont sous-représentées dans l’ensemble.

Néanmoins, on ne peut traiter tout le canton de la même façon: il faut tenir compte des importantes disparités régionales dans le plus grand canton de Suisse en termes de superficie. La région de Coire, par exemple, peut suivre la moyenne helvétique en termes de compétitivité grâce à ses bonnes liaisons autoroutières et ferroviaires.

La compétitivité tient toutefois non seulement à l’emplacement géographique et à l’infrastructure, mais elle revêt aussi une dimension politique. Sur ce point, les Grisons maîtrisent et passent devant certains cantons urbains: ils excellent par leur politique financière responsable, qui leur vaut un endettement inférieur à la moyenne. Concernant le marché du travail aussi, les Grisons font partie des cantons phares, avec un taux de chômage plutôt faible et peu de chômeurs de longue durée.

Par Thomas Renggli publié le 30 juin 2021 - 08:44