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Voyage spatial

Une mission spatiale sous-terre, le défi d'étudiants de l'EPFL

Passer huit jours sous terre, ça vous tente? Pour Sophie Lismore, étudiante en physique à l’école polytechnique de Lausanne, c’était un aboutissement. Assoiffée de nouvelles expériences, elle a participé à une simulation de mission spatiale, organisée par et pour des étudiants, près du col du Grimsel.

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Mission lune

Durant la mission, les membres de l’équipage étaient chargés de mener différentes expériences scientifiques. Certaines d’entre elles nécessitaient de sortir de la base: les étudiants étaient alors équipés de combinaisons ressemblant aux combinaisons spatiales.

Blaise Kormann

Du haut de ses 22 ans, Sophie Lismore n’a pas froid aux yeux, c’est le moins qu’on puisse dire. Un doux mélange d’optimisme, de ferveur et de pragmatisme anime cette étudiante en physique qui s’est engagée, il y a deux ans, à participer à une mission spatiale «analogue». Le but? Simuler une réelle mission spatiale, depuis la Terre. L’idée est de tester les conditions mises en place afin d’assurer la sécurité des astronautes qui s’envoleront pour de bon dans l’espace.

>> Lire aussi notre éditorial du 14 juillet 2021: Exploit ou bluff de Richard Branson?

Echafaudées généralement par des agences spatiales telles que la NASA, de telles missions sont accessibles uniquement aux professionnels du domaine. C’est alors que l’association estudiantine Space@yourservice de l’EPFL commence à étudier les anciennes missions analogues pour, finalement, développer Asclepios I. Tandis que les préparatifs débutent il y a deux ans, la pandémie de Covid-19 retarde le projet jusqu’en juillet dernier: la mission, dont l’équipage était composé de six étudiants internationaux, dont Sophie, s’est tenue entre le 12 et le 20 juillet 2021, à 400 mètres sous la montagne, dans le canton de Berne.

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La jeune fille de 22 ans, d’origine irlandaise et anglaise et née à Saint-Julien-en-Genevois (F), habite aujourd’hui à Gollion, près de Cossonay (VD). Elle prépare ici son matériel de mission.

Blaise Kormann

Pour Sophie, vivre une telle aventure était une évidence. «Un ami m’a parlé de ce projet avant même qu’il ne soit concret et j’ai immédiatement su que je souhaitais y prendre part. Il était très clair dès le début que je voulais être l’une des astronautes analogues», raconte-t-elle avec conviction. Attrapant au vol les différentes occasions qu’elle rencontre, elle parvient à garder le cap sur ses projets en cours, même si cela lui demande un engagement sans limites. Entre l’abondante charge de travail pour suivre le cursus de l’école polytechnique, la préparation et les entraînements pour cette mission, la jeune femme n’a pas compté les heures de boulot durant le printemps 2021. Soutenue par sa famille, elle a également su tisser des liens d’amitié forts avec le reste de l’équipe qui encadrait la mission, au sein de laquelle se sont également engagés son meilleur ami et son amoureux. Ces deux dernières années, la majorité de ses liens sociaux avaient d’ailleurs lieu dans le cadre de ce projet.

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Une telle mission nécessite une préparation extrêmement rigoureuse. Ici, les six membres de l’équipage s’entraînent à la plongée sous-marine: cela permet de ressentir les effets de la gravité réduite. Outre l’entraînement physique, les astronautes analogues ont suivi un entraînement technique et psychologique.

DR

Ses proches la définissent également comme une rêveuse. Petite, elle s’imaginait déjà explorer le monde en bateau. Aujourd’hui, elle a en tête de devenir astronaute. Elle garde tout de même les pieds sur terre et ne s’accroche pas à cet objectif. Elle retient que Claude Nicollier, l’un des mentors de la mission, les a prévenus: «Partir dans l’espace pour de bon relève d’une probabilité infiniment petite, ce n’est pas réaliste d’avoir ça comme seul but.» Alors la jeune fille se laisse porter par la vie. Mais tandis qu’elle a passé une majeure partie de son gymnase en échange dans d’autres pays, elle ressent aujourd’hui un besoin de tisser des liens forts et durables.

D’une bonne humeur contagieuse, elle avait comme surnom Little Miss Sunshine lors de la mission. Elle part sans cesse à la recherche du bon côté de la vie. Il lui est arrivé, en dehors de cette mission, qu’on lui demande si son bonheur permanent est bien réel, ce à quoi elle rétorque: «Oui, bien sûr. Même si je reste réaliste, je ne veux pas tomber dans le désespoir, bien que, avec ce que nous réserve le futur, il n’y ait qu’un pas avant de développer un sentiment d’angoisse.» Afin de maintenir cet optimisme, elle souhaite partir à la recherche de solutions pour améliorer l’avenir.

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Rester en forme est crucial. Des installations de sport ont été prévues dans la station.

Blaise Kormann

Elle insiste alors sur l’importance des sciences et de la connaissance spatiale, notamment à propos du réchauffement climatique. «La majorité des données que nous avons aujourd’hui sur le climat sont issues de l’espace», affirme-t-elle lorsqu’on la confronte à l’idée selon laquelle les missions spatiales sont en désaccord avec la préservation de la Terre. En effet, que ce soit pour la récolte d’informations à propos de notre planète ou pour la recherche de ressources nécessaires à notre développement, Sophie déclare que l’espace est une solution. «On répète sans cesse qu’il n’y a pas de planète B mais ce n’est pas totalement vrai: l’espace regorge de capacités.»

L’exploration spatiale pour la science, oui, évidemment. Et pour le tourisme? Selon Sophie, il est difficile de se positionner à ce propos: «Ça va sans doute modifier la conception de l’espace, le rendre plus accessible, mais ça crée aussi un trop grand fossé entre les riches et les pauvres. Je pense que le tourisme de l’espace est inévitable, mais on ne peut pas encore affirmer si c’est une bonne ou une mauvaise chose.»

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Sophie Lismore, étudiante en physique à l’EPFL et passionnée de l’espace: «J’ai eu la chance inouïe de participer à la mission spatiale analogue Asclepios I. C’était une aventure exceptionnelle.»

Blaise Kormann

Reprenons le fil de la mission. Quelques jours après être revenue dans la réalité, Sophie nous fait part de cette folle expérience: «C’était exceptionnel!» C’est avec un grand sourire et des étoiles plein les yeux qu’elle raconte les difficultés rencontrées sous terre: «Le conduit d’évacuation de l’eau s’est par exemple retrouvé bouché par un morceau de betterave, il était tout rose!» L’équipage, dirigé par la commandante Eléonore Poli, a également fait face à des difficultés plus sérieuses. Ces différents imprévus ont amené les astronautes analogues et l’équipe du centre de contrôle à apporter beaucoup de modifications. «Un mot clé de la mission: improvisation» ,sourit Sophie, pour qui Asclepios est synonyme de leçons et d’une «overdose d’émotions». L’excitation se lisait sur son visage avant de s’enfermer sous terre. La fatigue et le professionnalisme s’entendaient dans sa voix au quatrième jour de la mission et, finalement, elle transpirait le soulagement et la fierté, tout en modestie, en racontant son expérience.

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La journée est rythmée par toutes sortes d’études.

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Avec le recul, elle apprécie les enseignements qu’elle peut en tirer. «Etudier pour avoir de bons résultats, c’est important, mais c’est d’autant plus fondamental de faire ses propres projets externes et interdisciplinaires pour acquérir de réelles compétences.» Cette aventure lui a permis de se prouver qu’elle était capable de réaliser des exploits, de faire confiance aux personnes qui l’entourent mais aussi «de se fier aux premières impressions que l’on a des gens; elles sont souvent là pour une raison». En effet, en deux ans, l’équipe qui accompagnait la mission, composée entièrement d’étudiants et étudiantes, a subi quelques changements, dus à des agendas trop pleins ou à un manque d’engagement.

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L’un des plaisirs de Sophie Lismore: passer saluer les quelques plantes de la base, le matin au réveil.

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Ces aléas et ces montagnes russes émotionnelles ont fait partie intégrante de la mission. Mais le but premier a été atteint: être réalisée par et pour des étudiants et étudiantes. Avec beaucoup de fierté, elle s’exprime au nom de toute l’équipe d’Asclepios I: «Cette mission représente pour nous un aboutissement après deux ans d’efforts.» Elle raconte que l’un des autres objectifs de cette mission a été de vulgariser et démystifier les sciences spatiales, ce qui, selon elle, a été couronné de succès.

Après avoir participé à une mission analogue, de quoi peut-on encore rêver? «Je vais d’abord prendre du temps pour moi, répond Sophie, essayer de me reposer. Mais je me connais: je sais que je vais commencer très vite d’autres projets!» Quant à l’association Space@yourservice, elle ne prend pas de vacances. Les préparatifs d’Asclepios II sont en cours: alors que la phase de recrutement est sur le point de se terminer, plus de 200 étudiants internationaux se sont présentés pour intégrer l’équipage, qui sera composé de six participants. Cette deuxième mission analogue étudiante devrait avoir lieu en avril 2022. 

Par Erica Berazategui publié le 3 septembre 2021 - 14:20