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Société

Une semaine en Suisse face au coronavirus

Du premier cas confirmé dans le pays, au Tessin, le mardi 25 février, au report de compétitions sportives via l’accélération des mesures prises par le Conseil fédéral, retour jour par jour sur une semaine d'avancée du Covid-19 en Suisse.

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Georgios Kefalas

Mardi 25 février

Premier cas confirmé

Il s’agit d’un septuagénaire tessinois, infecté le 15 février dans la région de Milan. Il est en isolement à l’hôpital. L’analyse a été effectuée au Centre national de référence pour les infections virales émergentes (Crive) à Genève.

Depuis le vendredi 21 février, une vingtaine de personnes sont en quarantaine. Des experts en «contact tracing», des détectives sanitaires s’activent à reconstituer les chaînes de contamination pour déterminer si des malades ont pu en infecter d’autres; pour faire face, des experts supplémentaires sont formés. Mais en cas d’explosion du nombre de cas, le «contact tracing» deviendra impossible.

Mercredi 26 février

Ruée dans les magasins et premier cas genevois

Le premier cas de coronavirus identifié à Genève est un informaticien de 28 ans qui travaille au siège administratif de l’Institution genevoise de maintien à domicile (Imad) à Carouge. Les géants de la distribution confirment une ruée dans leurs magasins, notamment, selon Migros, pour acheter «raviolis, lentilles, haricots blancs à la sauce tomate, mais aussi des classiques comme les boîtes de petits pois-carottes».

Ce même jour, l’Italie ayant décidé de suspendre les retours de requérants d’asile dans le cadre du système Dublin, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) annonce avoir annulé des vols concernant une dizaine de migrants. Le Tessin décide que les matchs de hockey sur glace prévus le week-end à Ambri-Piotta et à Lugano se joueront à huis clos.

Jeudi 27 février

Campagne nationale et premier cas vaudois

Se laver les mains régulièrement, tousser et éternuer dans un mouchoir ou dans son coude, rester à la maison en cas de toux et de fièvre et ne pas se rendre aux urgences ou dans un cabinet médical pour consulter, mais appeler le médecin: l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) lance sa campagne nationale de protection contre le coronavirus. «Il faudra apprendre à vivre avec le virus, qui ne va pas disparaître du monde», indique Daniel Koch, responsable de la division maladies transmissibles de l’OFSP. Une hotline est mise en place par l’office - au 058 463 00 00 (pour la population) et au 058 464 44 88 (pour les voyageurs).

Un premier malade est annoncé dans le canton de Vaud, un frontalier domicilié en France. Deux jours plus tard, sa femme et son fils seront raccompagnés par transport spécial chez eux, où ils resteront en quarantaine. Zurich annonce un nouveau cas, une trentenaire ayant voyagé à Milan. Un jeune homme de 26 ans est déclaré positif en Argovie. Les Grisons annoncent leurs premiers cas, deux enfants italiens en vacances en Haute-Engadine.

Le marathon de l’Engadine, le plus grand événement sportif amateur de Suisse, qui aurait dû avoir lieu le 8 mars, est annulé. Dans le Jura bernois, l’ancien foyer d’éducation de Prêles est aménagé pour accueillir si besoin des personnes en quarantaine. A Neuchâtel, les tests de quatre personnes (dont trois enfants) suspectées d’être porteuses se révèlent négatifs, après la fermeture provisoire d’une garderie.

Vendredi 28 février

Salon de l’auto annulé et premier cas valaisan

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Démontage du stand Ferrari vendredi à Palexpo, à la suite de l’annulation du Salon international de l’automobile de Genève. Richard Juilliart

Les choses s’accélèrent. Le Conseil fédéral fait entrer le pays dans la phase 2 du plan de pandémie, de «temps normal» à «situation particulière». Il prend la main sur les cantons en interdisant, jusqu’au 15 mars au moins, tous les événements de plus de 1000 personnes. Entraînant de facto l’annulation du Salon international de l’automobile de Genève, qui devait se tenir du 5 au 15 mars, du carnaval de Bâle (2 mars), des Brandons de Payerne (28 février-2 mars), du salon d’horlogerie Baselworld… C’est la première fois que les autorités fédérales ont recours à la loi sur les épidémies, votée en 2013.

Par ailleurs, le Palais fédéral sera interdit au public et aux lobbyistes lors de la session de printemps qui débute le lundi 2 mars. EasyJet annule ses vols vers l’Italie. Les cantons de Genève et de Vaud interdisent tous les voyages scolaires à l’étranger jusqu’à Pâques et ouvrent des lignes d’information pour toutes les questions liées au Covid-19 (0800 316 800 pour Vaud, 0800 909 400 pour Genève).

Sur le plan sanitaire, le Valais annonce un premier cas, un trentenaire qui a été placé en isolement à l’hôpital de Sion. Deux nouveaux cas sont annoncés à Genève, un quinquagénaire et une jeune fille revenus de Milan. A Zurich, Google annonce qu’un de ses employés est infecté, c’est le deuxième cas dans le canton. Un premier cas est annoncé à Bâle-Campagne. Une centaine de personnes sont placées en quarantaine dans le pays, indique le ministre de la Santé, Alain Berset. Bonne nouvelle: le premier patient infecté, le septuagénaire tessinois, peut rentrer chez lui.

Samedi 29 février

L’armée se tient prête et premier cas bernois

Daniel Koch, responsable de la division maladies transmissibles de l’OFSP, appelle à faire preuve d’autodiscipline en ne se rendant pas à l’hôpital pour une toux ou un rhume. Il explique aussi que fermer les écoles n’est pas une bonne idée, «car beaucoup de grands-parents seraient alors sollicités pour garder les enfants. Or, nous devons à tout prix éviter le mélange entre générations.» Les personnes âgées sont les plus vulnérables face au virus, alors que les enfants restent épargnés. L’armée indique se préparer «à de possibles engagements en faveur des autorités civiles, notamment pour effectuer du "screening" dans les aéroports, des transports, des tâches de désinfection et des soins médicaux de niveau élémentaire». Deux nouveaux cas sont confirmés à Genève, qui compte désormais cinq patients hospitalisés.

Un premier cas est confirmé dans le canton de Berne. La patiente, une Biennoise infectée en Italie, est hospitalisée. Le canton durcit les conditions fédérales liées aux rassemblements, ce qui entraîne l’annulation du carnaval de Moutier. Le diocèse de Bâle recommande d’éviter les contacts pendant la messe, à l’image de la poignée de main au terme du «Pater noster». La ville de Coire (GR) interdit les rassemblements de plus de 50 personnes.

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Un «Schyssdräggziigli» – petit groupe spontané, dans le jargon du carnaval – entame une ronde funèbre dans la cour de l’Hôtel de Ville de Bâle, après l’annonce de l’annulation du carnaval. Georgios Kefalas

Dimanche 1er mars

Sondage et premier cas fribourgeois

Il s’agit d’un homme d’une trentaine d’années domicilié en Gruyère, qui a probablement été infecté lors d’un voyage en Lombardie. Cinquante-quatre personnes, soit deux classes et leurs enseignants au Lycée technique de Bienne, où étudie la jeune Biennoise infectée, sont mises en quarantaine. Trois nouveaux cas sont annoncés à Genève. Un deuxième cas est annoncé en Valais, un proche du Haut-Valaisan infecté. L’OFSP confirme 24 cas pour la Suisse.

Selon un sondage paru dans le SonntagsBlick, seul un Suisse sur dix dit craindre le virus. Deux tiers des personnes interrogées ne se sentent pas ou peu menacées personnellement, 25% estiment que le danger pour elles-mêmes est moyen et seulement 8% le jugent élevé.

Lundi 2 mars

Poignées de main à l'index et play-off reportés

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La conseillère nationale UDC Magdalena Martullo-Blocher (à g., face à Isabelle Moret) a fait jaser lors de l’ouverture de la session parlementaire lundi en portant un masque. La présidente du National lui a ordonné de l’enlever. Alessandro della Valle

Ne pas se serrer la main, jeter les mouchoirs dans des poubelles fermées, téléphoner plutôt que de se rendre directement chez le médecin ou aux urgences: l’OFSP renforce les règles de conduite.

Un nouveau cas est annoncé à Fribourg: le jeune homme a été en contact avec le premier cas annoncé la veille. En hockey, les play-off de Swiss League et les rencontres de National League sont reportés de deux semaines; depuis vendredi, les matchs s’étaient disputés à huis clos. Le Palais des Nations unies à Genève est fermé aux visiteurs. De nouveaux cas sont annoncés au Tessin, à Zurich; en fin d'après-midi, le fil d’actualité en continu de 20minutes.ch avait cessé de comptabiliser le nombre de cas sur le plan national, indiquant désormais que la Suisse voit les contaminations «grimper jour après jour».


L'éditorial: Le scénario d’un film catastrophe

Par Michel Jeanneret

La discussion est sur toutes les lèvres. Il est désormais quasi impossible de pénétrer dans un espace public sans entendre parler du coronavirus, impossible de rencontrer des amis sans évoquer – souvent sur le ton de l’humour, pour se rassurer un peu – la maladie qui a d’ores et déjà causé 3000 morts dans le monde et semble malheureusement progresser rapidement. Pourquoi une telle obsession autour d’un virus qui n’a fait jusqu’ici qu’un faible nombre de victimes, si on le compare à la grippe saisonnière qui emporte avec elle chaque année jusqu’à 650 000 personnes (1000 en Suisse)? Pour des raisons tout aussi objectives que subjectives.

Un virus qui terrasserait l’ensemble de l’humanité fait partie du scénario des meilleurs films catastrophes hollywoodiens. C’est dire que nous sommes prompts à réagir à celui qui se joue depuis quelques semaines, parfois de manière un peu irrationnelle, comme en témoignent les pénuries de masques et de gel désinfectant dans les pharmacies. Les autorités ont toutefois raison de ne pas sous-estimer le Covid-19, dans un exercice d’équilibrisme plutôt réussi qui consiste à appeler en même temps à la vigilance et au calme. Un grand nombre d’experts s’accordent en effet autour du fait que le nombre de personnes contaminées par un porteur du coronavirus est de deux à trois fois plus élevé que pour une grippe saisonnière et que le taux de létalité du premier est sensiblement supérieur, même si les méthodes de calcul appellent à prendre les statistiques avec une certaine prudence.

La prudence et la rationalité, voilà probablement ce qui nous permettra de limiter les conséquences de l’épidémie qui est en train de mettre l’Italie à l’arrêt dans un accès de panique. Tousser dans son coude, se laver les mains, jeter ses mouchoirs, rester chez soi pour éviter de refiler sa maladie aux autres et téléphoner à son médecin avant de débarquer dans son cabinet font partie des règles de base de la vie quotidienne, auxquelles il faut désormais ajouter le fait d’éviter les poignées de main. On devrait y arriver.


Par Albertine Bourget publié le 3 mars 2020 - 11:32, modifié 18 janvier 2021 - 21:08