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Vaccins: les 15 questions que vous vous posez

Directrice du Centre de vaccinologie des HUG, Claire-Anne Siegrist assure que le risque vaccinal est infiniment plus faible que le risque du Covid-19 chez les personnes vulnérables. Les autres catégories ont le choix, mais peuvent décider en toute connaissance de cause, selon elle.

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Le Prix Nobel Jacques Dubochet, 78 ans, s'est fait vacciner avec son épouse Christine contre le covid lundi à l’Hôpital de Morges. imago images/Kirchner-Media
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La Professeure Claire-Anne Siegrist est pédiatre et cheffe du Centre de vaccinologie des Hôpitaux universitaires de Genève. Anoush Abrar

1. Pourquoi êtes-vous favorable au vaccin?
Claire-Anne Siegrist: J’ai craint pendant tout l’été et tout l’automne que la communauté scientifique ne soit pas capable de produire un vaccin efficace et bien toléré. J’ai dû vivre avec beaucoup de doutes, de questions, et passer des heures et des heures à chercher des réponses. Et soudain elles se sont mises à arriver. Des centaines et des centaines de pages d’observations, d’analyses, de rapports montrant de façon indiscutable que les vaccins à ARN messager qui sont utilisés en Suisse sont très efficaces (95%). Peut-être faudra-t-il des rappels, comme pour d’autres vaccins, mais ça ne serait pas un problème. La question centrale est celle des effets secondaires, et avec plus de 7 millions de personnes vaccinées à ce jour nous commençons à avoir de bonnes données.

Donc, avec ce que j’ai appris, c’est pour moi maintenant une évidence que le risque vaccinal est infiniment plus faible que le risque du Covid-19 chez les personnes vulnérables qui passeraient des semaines ou des mois à l’hôpital en cas d’infection. Je n’ai donc plus aucune hésitation à leur recommander la vaccination.

Par contre, je trouve bien que les personnes jeunes en bonne santé, qui ne vivent pas avec une personne fragile et qui peuvent se protéger avec les mesures de distanciation existantes attendent encore un peu avant de se décider, leur risque de Covid-19 grave est si faible que je voudrais pouvoir leur dire: «Voilà, maintenant, nous avons toutes les informations démontrant la sécurité du vaccin, vous pouvez en toute sérénité choisir la protection de la vaccination ou non.»

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Le Prix Nobel Jacques Dubochet, 78 ans, s'est fait vacciner avec son épouse Christine contre le covid lundi à l’Hôpital de Morges. Laurent Gillieron/keystone-sda.ch

2. Que répondez-vous à vos collègues qui demandent un moratoire sur les vaccins à cause, d’une part, du manque de recul et de connaissances sur les effets indésirables que ceux-ci pourraient produire et, d’autre part, parce qu’ils estiment que la Faculté n’a pas le droit de faire prendre des risques à une population très majoritairement en bonne santé à laquelle ces vaccins sont destinés?
Je ne vois pas pourquoi certains s’arrogeraient le droit de priver de vaccination les centaines de milliers de personnes vulnérables qui les demandent et les attendent: le choix de recourir à la vaccination pour être protégé doit être aussi libre que le choix de ne pas se faire vacciner. Comme expliqué, la stratégie choisie par la Suisse est d’offrir la vaccination aux personnes à risque; ce n’est que si des personnes en bonne santé demandent à être vaccinées qu’elles pourront l’être! Il est donc faux de dire que la vaccination est destinée à vacciner une population majoritairement en bonne santé, et prétentieux de vouloir choisir pour la vie des autres en demandant un moratoire.

3. Quels vaccins préconisez-vous? Ceux développés par les laboratoires Pfizer et Moderna avec la nouvelle technologie à ARN messager ou plutôt celui, également issu de cette technologie mais au mécanisme différent, du laboratoire AstraZeneca/Oxford?
Comme médecin, je ne peux que recommander les vaccins les plus efficaces et les mieux tolérés. A ce jour, ce sont les vaccins à ARN messager, qui sont bien plus efficaces et dont la tolérance est déjà bien mieux connue que celle du vaccin d’AstraZeneca.

4. Que sait-on des effets indésirables de ces vaccins?
La question des effets indésirables est centrale. Avec plus de 7 millions de doses administrées, nous en savons maintenant beaucoup sur les réactions inflammatoires (légères et transitoires) et sur les réactions allergiques graves mais rares (environ une personne sur 100 000) et immédiates, donc faciles à traiter. Concernant les maladies auto-immunes, il n’y a eu aucun signal pendant les études, mais ces maladies sont rares et peuvent apparaître jusqu’à trois mois après la vaccination. Donc nous serons fixés lorsque quelques millions de personnes auront été suivies pendant au moins trois mois. De même pour les éventuels risques rares encore inconnus: plus le nombre de personnes vaccinées sans problème augmente et plus le temps passe sans alerte, plus la sécurité augmente.

5. Faut-il se faire vacciner si on a déjà eu le covid?
Ce n’est pas nécessaire pendant les trois mois qui suivent l’infection, parce que l’immunité induite par la maladie protège d’une réinfection. Mais cette immunité diminue ensuite et des réinfections sont possibles. Donc il est proposé d’attendre trois mois après un Covid-19 connu. Aussi pour laisser les vaccins à ceux qui ne sont encore pas du tout immunisés.

6. Que sait-on de la durée de l’immunité de ces vaccins?
Les données ont été analysées après trois mois de suivi. Les études continuent et les données à six mois devraient bientôt être disponibles. Avec une efficacité à trois mois de 95%, on peut être optimiste quant à la durée de protection – même si ce n’est encore qu’un espoir.

7. Est-on encore contagieux après avoir été vacciné?
Il n’y a pas encore de réponse définitive. Des données préliminaires suggèrent que les vaccins pourraient aussi diminuer le risque d’être infecté sans symptômes, mais elles sont encore peu nombreuses. Donc, par honnêteté, il vaut mieux dire que le risque de contagion pourrait ne pas être diminué et recommander de ne pas modifier ses habitudes (masque, mains, distanciation) après la vaccination.

8. On sait qu’il faut deux injections pour le vaccin à ARN messager des laboratoires Pfizer et Moderna. Peut-on attraper le covid  entre les deux injections et, si oui, la seconde injection est-elle nécessaire?
L’efficacité du vaccin ne commence qu’entre douze et quatorze jours après la première dose, donc on peut en effet être vacciné et attraper le covid quelques jours après. L’efficacité est déjà bonne deux semaines après la première dose, mais elle a naturellement été mesurée jusqu’à la deuxième dose (à trois ou quatre semaines). Sur le plan immunitaire, la seconde dose est indispensable pour faire monter les anticorps neutralisants et donc augmenter le niveau et la durée de la protection.

9. Peut-on être vacciné si l’on est déjà contaminé par le virus et que l’on ressent les premiers symptômes?
Ce ne serait pas dangereux d’être vacciné en même temps qu’une infection, puisque le virus injecte dans le corps des milliards de fois plus d’ARN messager que le vaccin. Mais ce serait sans doute inutile parce que le vaccin nécessite au moins deux semaines pour commencer sa protection. Et, par précaution, les médecins ne vaccinent jamais en pleine infection. Le conseil est donc d’attendre trois mois après un Covid-19 diagnostiqué.

10. Doit-on donc faire un test PCR avant de se faire vacciner?
Non. Les études ont aussi inclus des volontaires qui étaient au début d’une infection (sans le savoir), et il n’y a eu aucun problème (Covid-19 bénin). Donc ni PCR ni sérologie, ni avant ni après le vaccin.

11. Pourra-t-on adapter le vaccin en fonction des mutations du virus, comme c’est le cas actuellement avec le nouveau variant venu de la Grande-Bretagne?
Actuellement, rien ne fait penser que le variant de Grande-Bretagne ne serait pas couvert par le vaccin. Si cela devait devenir le cas à l’avenir, il faudrait faire comme pour la grippe: adapter le vaccin périodiquement aux nouvelles souches. C’est heureusement particulièrement facile avec les vaccins à ARN messager.

12. Le vaccin contre le covid est-il compatible avec le vaccin contre la grippe que j’ai fait il y a quelque temps?
Oui, si c’était il y a plus de deux semaines, votre système immunitaire a fini de répondre au vaccin contre la grippe.

13. Pour quelle(s) raison(s) – quel(s) risque(s) – les femmes enceintes sont-elles exclues de la vaccination?
C’est une précaution, parce qu’elles n’avaient pas été incluses dans les études. Même s’il n’y a pas eu de problèmes pour les femmes vaccinées alors qu’elles ne se savaient pas encore enceintes.

14. Pour quelle(s) raison(s) à votre avis les fabricants de vaccins ont-ils demandé à être déchargés de toute responsabilité en cas de problème si leur substance est aussi sûre?
Cette formulation est incorrecte. Les fabricants restent entièrement responsables de tout problème qui résulterait d’un défaut de fabrication, d’un problème dans le développement d’un lot, etc. Les vaccinateurs restent responsables de leurs gestes (par exemple en cas d’erreur de dosage). Et comme pour tous les vaccins, la prise en charge médicale d’un effet indésirable attendu (par exemple une allergie grave) ou inattendu serait couverte par son assurance. La seule décharge partielle de responsabilité que les gouvernements ont accepté de prendre à leur charge en échange du développement rapide d’un vaccin, ce sont les indemnités qui résulteraient d’effets indésirables graves trop rares pour avoir pu être identifiés pendant les essais cliniques. Sinon, les entreprises pharmaceutiques auraient dit: «Nous attendons le suivi habituel plus long avant de demander l’enregistrement de notre vaccin.»

15. Dès lors, en clair, à qui incombe la responsabilité d’un effet indésirable grave généré par le vaccin, contre qui le patient peut-il se retourner?
Il ne sera pas nécessaire de se retourner contre qui que ce soit: la loi sur les épidémies prévoit l’accompagnement et l’aide à ceux qui souffriraient d’un effet indésirable grave généré par un vaccin. Cet accompagnement commence par les médecins, qui déclarent les effets indésirables graves ou inattendus, puis ce sont les cantons qui prennent le relais.


En novembre 2019, L'illustré était déjà allé à la rencontre de Claire-Anne Siegrist, elle nous parlait alors d'hypnose.


Par Rappaz Christian publié le 14 janvier 2021 - 08:48, modifié 18 janvier 2021 - 21:17