- Vitali Klitschko, nous sommes le 4 janvier, Kiev a subi de nouvelles attaques aériennes ces derniers jours. Quelle est la situation actuelle?
- Vitali Klitschko: C’est mauvais, quoiqu’un peu mieux qu’il y a quelques jours. Les 31 décembre, 1er et 2 janvier, les Russes ont envoyé des drones kamikazes sur la ville. Heureusement – et je les en remercie – nos forces militaires les ont abattus et ont pu préserver nos infrastructures énergétiques. Et c’est pour ça qu’en ce moment – vous pouvez regarder autour de vous – nous avons encore de l’électricité.
- De quoi rassurer un peu les habitants?
- Oui, mais la situation demeure très critique. Il y a un mois, nous n’avions plus d’eau, ni de courant. La Russie pilonne délibérément notre réseau électrique avec ses missiles et vise spécifiquement nos infrastructures essentielles dans un seul but: que les Ukrainiens crèvent de froid.
- Un crime de guerre?
- Ce que fait la Russie est un génocide. Il ne s’agit pas d’une «opération militaire», comme le prétend Poutine, ni d’une guerre opposant deux armées. Ils visent les civils. C’est tout simplement du terrorisme.
- Vous craignez un black-out complet?
- C’est le scénario que l’on redoute le plus. N’oubliez pas que plus de 3,5 millions de personnes vivent à Kiev et la ville ne dispose pas de suffisamment d’abris pour héberger l’ensemble de la population. Pour l’instant, ça va, il ne fait pas encore trop froid, mais l’hiver n’est pas terminé. Ce serait une catastrophe pour la population de ne plus pouvoir avoir accès à l’eau courante, ni à l’électricité.
- La guerre entre dans son onzième mois. Qu’en est-il du moral des Kiéviens?
- L’ennemi essaie de nous pousser à bout mais je suis impressionné par la force des Ukrainiens. Ils ne lâchent rien. La Russie veut nous saper le moral en nous coupant le courant? C’est tout le contraire qui se produit. Nos habitants sont plus déterminés que jamais et de plus en plus en colère contre les Russes. Encore un mauvais calcul de leur part. Ils ont obtenu l’inverse de l’effet escompté.
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- Il n’y a pas eu de trêve de fin d’année. Au contraire, des attaques ont eu lieu de part et d’autre durant cette période. Vous attendez-vous à de nouvelles attaques les 6 et 7 janvier, à l’occasion du Noël orthodoxe?
- Les Russes sont imprévisibles. Ils peuvent balancer leurs roquettes à n’importe quel moment.
- Vous revenez de Bakhmout, point chaud du front dans l’est du pays. Quelle est la situation là-bas?
- C’est difficile. Très dur. Il y a des explosions non-stop et la ville a été presque entièrement détruite. Il n’y a plus un seul immeuble dont les vitres n’ont pas été soufflées. Les civils n’ont plus d’eau courante, plus d’électricité. C’est terrible.
- Une dernière question. La Suisse invoque le principe de neutralité pour ne pas livrer d’armes à l’Ukraine. Qu’en pensez-vous?
- S’il vous plaît... Je sais que la Suisse possède des systèmes de défense aérienne. Le gouvernement de votre pays peut nous aider à sauver des vies civiles en nous livrant ces armes. S’il vous plaît, nous devons protéger notre ciel. On comprend le principe de neutralité, mais donnez-nous des armes pour nous défendre, pour défendre nos civils. On ne réclame pas des armes pour tuer des gens, mais pour protéger la population.
Vitali Klitschko en 3 dates
1971: Naissance à Belovodskoïé en URSS, actuel Kirghizistan.
1999-2000: Champion du monde poids lourds WBO. D’autres titres suivront.
2014: Elu à la mairie de Kiev, réélu en 2015 et 2020.