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Huis clos XII

«Pas besoin de passeport pour les vacances!»

Dans le douzième volet de sa chronique «Huis clos», l'humoriste romand Thomas Wiesel se réjouit au plus haut point de ses vacances en Suisse alémanique...

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Thomas Wiesel, bien décidé à profiter des vacances. Valentin Flauraud

Depuis deux mois, les politiciens n’arrêtent pas de nous le dire: il faudra passer les vacances d’été en Suisse. Un sondage Tamedia publié cette semaine livre un premier verdict: 18% des Suisses ont prévu de rester au bercail pour les vacances. Ah oui, beau score. On dirait les parts d’audience de ma défunte émission de télévision.

Un Suisse qui désobéit à son gouvernement, c’est déjà assez rare, alors quatre Suisses sur cinq, d’où vient cette fronde nationale? Mais il y a peut-être un truc que le Suisse aime encore plus qu’obéir, c’est garder ses habitudes. Et pour beaucoup, l’hiver, on veut bien rester en Suisse, pour le ski, et payer 24 balles l’assiette de saucisse-frites en écoutant de la Schlagermusik et perdre la moitié des frites en se pétant la gueule avec ses chaussures de ski dans les escaliers gelés d’un resto d’altitude. Mais l’été, on profite de ces vols pas chers (et vu l’aumône quémandée par les compagnies depuis trois mois, peut-être qu’ils étaient vraiment pas assez chers) pour aller frimer avec nos salaires helvétiques dans un pays qui touche la mer.

Il faut dire que le problème des salaires helvétiques, c’est qu’ils doivent aussi être payés au personnel des hôtels, restaurants ou attractions. Comme dans tous les secteurs, il y a quelques profiteurs; il semble que tous les trois mois, la photo d’un ticket de caisse avec une carafe d’eau surtaxée fait le buzz sur Facebook. Mais il y a surtout un îlot de cherté qui fait que deux séjours touristiques en Suisse par an, pour les familles de classe moyenne, c’est bien souvent un luxe.

Sauf que cette année, les zones touristiques suisses, privées de leur afflux de touristes asiatiques prêts à dépenser leurs économies en quatre jours de traversée du pays en car, ont besoin de nous. Et c’est encore plus le cas dans les hôtels des villes qui comptent sur la clientèle d’affaires, quasi disparue. Pour y remédier, les initiatives politiques foisonnent, comme celle de Pierre Maudet, qui propose de payer le tiers de la facture pour les touristes suisses dans les hôtels genevois. Ça va faire bizarre, des touristes suisses dans des hôtels genevois. Des touristes qui se voient offrir une partie de la note? Comme quoi ses voyages tous frais payés à Abu Dhabi lui auront quand même donné quelques idées. Et c’est un heureux hasard si un grand groupe hôtelier genevois figure parmi ses plus gros donateurs. Comme ça tout le monde est content.

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Du côté de la présidente Simonetta Sommaruga, on a plutôt tenté un challenge Instagram pour partager ses meilleures balades en Suisse. Si seulement le Covid-19 avait été aussi peu viral que ce challenge, on serait tiré d’affaire depuis longtemps. Pourtant, Simonetta avait envoyé du lourd: elle a déclaré Montricher comme la destination de l’été, avec une promenade au Mont-Tendre ou la bibliothèque de la Fondation Jan Michalski, le tout dans des publications en quatre langues. J’espère que le pied du Jura est prêt pour l’afflux de touristes romanches!

J’ai rien contre Montricher, j’y ai des amis et c’est très joli, mais il me semble que c’est pas le genre de destination d’où, quand tu reviens, tu organises une soirée diapos avec tes potes. D’ailleurs, Dieu merci, cette horrible tradition est décédée depuis que les gens peuvent nous casser les pieds avec leurs photos de vacances sur les réseaux. Mais il faut dire que les photos de randonnées qui pullulent depuis quelques semaines sont pas plus désagréables à regarder que les habituelles photos de jambes-saucisses cuites sur les plages.

Notre Suisse est belle, et dans une année où on se découvre une espèce d’unité nationale, c’est l’occasion de mieux la connaître. J’ai proposé à ma copine d’aller en vacances en Suisse alémanique. Retrouvez bientôt ma chronique sur le retour du célibat.

En tout cas, Suisse Tourisme va mettre le paquet avec la plus grosse campagne de promotion de son histoire, dont on vient de découvrir le premier clip vidéo avec un slogan évocateur: «Tu as besoin de bien plus que des vacances. Tu as besoin de Suisse.»

La prochaine fois que je me sens un peu fatigué, je me réjouis de dire: il faut que je fasse quelques jours de pause, j’ai besoin de Suisse.

>> Lire la chronique précédente: «De l'art de porter la culotte» 

>> Lire aussi l'interview de Thomas Wiesel: «J'ai adopté un rythme de vie plus serein»


Par Thomas Wiesel publié le 12 juin 2020 - 09:50, modifié 18 janvier 2021 - 21:11