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Cancer du sein: de nouveaux traitements et des traitements plus efficaces

Les traitements ciblés et l’immunothérapie améliorent toujours plus le pronostic lorsqu'une patiente est atteinte d'un cancer du sein. De plus, la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie ont évolué et les patientes sont de plus en plus impliquées dans leur traitement. Zoom sur les nouveaux traitements qui redonnent de l'espoir aux malades. 

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Cancer du sein

Grâce aux traitements ciblés et à l’immunothérapie, il est possible d'améliorer toujours plus le pronostic lorsqu'une patiente est atteinte d'un cancer du sein.

draganab/Getty Images
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Elisabeth Gordon

Thérapies ciblées, immunothérapie et autres: depuis cinq ans, des traitements innovants qui améliorent le pronostic et augmentent la survie des personnes atteintes de cancer du sein ne cessent d’apparaître. Chaque année, en Suisse, environ 7000 nouveaux cancers du sein sont diagnostiqués – dont une cinquantaine chez les hommes – et ils provoquent quelque 1300 décès. La lutte contre cette maladie passe toujours par la chirurgie, la radiothérapie, l’hormonothérapie et la chimiothérapie. Mais, en complément de ces méthodes conventionnelles, les oncologues disposent maintenant de nouvelles armes.

Certaines ciblent les cellules tumorales avec une grande précision, d’autres aident le système immunitaire à les détruire. Elles améliorent le pronostic et prolongent la survie des patientes. Les trois sous-classes de cancers du sein – dits hormonosensibles, HER2 positifs et triples négatifs – ont bénéficié d’avancées qui ont été menées en parallèle.

1. Quand les hormones s’en mêlent

Trois quarts des cancers du sein sont qualifiés «d’hormonosensibles», car les hormones féminines (œstrogènes, progestérone) stimulent leur croissance. En entravant leur action, on limite ou on stoppe la prolifération des cellules malignes.

Ce traitement, l’hormonothérapie, a fait ses preuves, mais certaines tumeurs y résistent. «Pendant longtemps, les connaissances théoriques accumulées n’aboutissaient à aucun bénéfice clinique. Jusqu’à ce que les chercheurs découvrent que certains mécanismes de cette résistance pouvaient être manipulés», constate le Dr Khalil Zaman, responsable médical du Centre du sein du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

Cela a abouti, il y a environ cinq ans, à la mise sur le marché de nouveaux traitements (les inhibiteurs de CDK4/6). Combinés à l’hormonothérapie, «ils permettent de quasiment doubler la durée pendant laquelle cette thérapie est efficace chez les personnes ayant des métastases et de prolonger leur survie».

Prescrite chez les femmes qui viennent d’être opérées et qui ont un haut risque de rechute, l’une des molécules de cette classe (l’abemaciclib) «semble diminuer de 30% leur risque de développement de métastases», précise l’oncologue. Cette indication n’est pas encore enregistrée en Suisse, mais les médecins peuvent l’utiliser dans certaines situations après avoir obtenu l’accord de l’assurance maladie.

2. Bloquer les serrures

Certaines cellules cancéreuses portent à leur surface des récepteurs, sortes de «serrures» sur lesquelles viennent s’accrocher des substances utiles à leur développement. C’est notamment le cas du récepteur HER2 qui, lorsqu’il est présent en grande quantité, favorise leur prolifération. Environ 15% des tumeurs du sein en sont pourvues. On les nomme HER2 positives.

L’un des moyens de lutter contre ce sous-type de cancer est d’employer des clés, en l’occurrence des anticorps, susceptibles de bloquer la serrure. C’est sur ce principe qu’est fondé le trastuzumab (Herceptin®), le premier médicament ciblé commercialisé en 2000. D’autres ont suivi qui, «associés à la chimiothérapie, ont permis d’améliorer le pronostic des patientes souffrant d’un cancer HER2 +», selon le Dr Zaman.

Plus récemment sont apparues de petites molécules. Elles ont le même effet, mais leur avantage vient de leur taille, qui leur permet de «traverser la barrière hémato-encéphalique (qui isole le cerveau et la moelle épinière) et donc de s’attaquer aux métastases présentes dans le cerveau», explique le médecin du CHUV.

>> Lire aussi: Cancer: distinguons le vrai du faux!

3. Anticorps-médicaments

Dans le traitement des cancers du sein HER2 +, «la plus grande révolution vient des chimiothérapies combinées aux anticorps», constate le Dr Zaman. Les médicaments utilisés en chimiothérapie sont peu ciblés et, tout en s’attaquant aux cellules tumorales, ils détruisent aussi des cellules saines – ce qui provoque de nombreux effets secondaires.

L’idée est maintenant d’attacher les médicaments de la chimiothérapie à des anticorps qui les véhiculent et les livrent uniquement aux cibles visées, les cellules malignes.

Le premier anticorps-médicament, le Kadcyla®, est arrivé sur le marché en 2013 et d’autres ont été commercialisés depuis. L’un d’entre eux (le trastuzumab déruxtécan) «a même montré des résultats impressionnants. Un an après le début du traitement, la progression du cancer est toujours stoppée chez 75% des patientes, contre 35% avec les anticorps-médicaments précédents», souligne l’oncologue.

Auparavant, les cancers du sein HER2 + «comptaient parmi ceux qui avaient le plus mauvais pronostic, alors que, aujourd’hui, grâce à ces traitements, ils sont de ceux qui ont le meilleur». Ces traitements sont globalement bien tolérés. «Chacun a des effets secondaires spécifiques que l’on essaie d’anticiper» et qui sont souvent bien moins importants que ceux des chimiothérapies conventionnelles.

4. Des cellules décidément malignes

Les 15% des cancers du sein restants sont les «triples négatifs», qui posent problème, car ils ne sont sensibles ni à l’hormonothérapie, ni aux traitements ciblés dont on disposait jusqu’ici. La situation est toutefois en train de changer grâce à l’immunothérapie, qui vise à aider le système immunitaire à lutter contre les cellules cancéreuses.

Celles-ci portent bien leur nom de malignes. Certaines expriment à leur surface des protéines (PD-L1) qui inactivent les composants du système immunitaire qui les approchent. En bloquant ces protéines, on permet donc à nos défenses naturelles de faire leur travail.

Environ 40% des cancers triples négatifs expriment des PD-L1. Chez des patientes ayant des métastases, «l’immunothérapie associée à la chimiothérapie augmente la durée de contrôle de la maladie et améliore la survie». Mieux encore, ajoute le Dr Zaman, «lorsqu’on applique ce traitement à celles qui n’ont pas de métastases, mais qui sont à haut risque d’en développer, on augmente les chances que la maladie disparaisse».

Actuellement, la majorité des femmes atteintes d’un cancer du sein guérissent, mais 20 à 25% voient leur tumeur récidiver ou faire des métastases. Grâce à la généralisation des nouveaux traitements, ce nombre devrait bientôt diminuer.


Des avancées dans les thérapies conventionnelles

Les thérapies conventionnelles ont, elles aussi, évolué au cours des dernières années.

La chirurgie

Dans ce domaine, «on observe une désescalade», constate le Dr Khalil Zaman, responsable médical du Centre du sein du CHUV. Cette volonté d’en faire moins n’est pas nouvelle puisque les oncologues essayaient déjà, quand c’était possible, de remplacer la mamectomie (ablation complète du sein) par la tumorectomie (résection de la seule tumeur) associée à la radiothérapie. Aujourd’hui, la tendance s’accélère.

Autre changement: auparavant, l’intervention s’accompagnait du curage d’au moins une dizaine de ganglions situés dans l’aisselle. Depuis deux décennies, chez certaines patientes, on se contentait d’analyser les ganglions sentinelles, les premiers touchés par une éventuelle prolifération. Si l’un d’eux renfermait des cellules malignes, on l’ôtait, dans le cas contraire, on le laissait en place.

Toutefois, «on s’est aperçu que, même si un ou deux de ces ganglions sont touchés, on peut éviter de faire le curage, car, avec la radiothérapie et les traitements médicamenteux, le risque de récidive dans l’aisselle est très bas». On évite à la patiente d’être affectée du syndrome du «gros bras» (important gonflement du membre).

La radiothérapie

A mesure que les années passent, la radiothérapie se fait de plus en plus ciblée, grâce notamment à l’accroissement de la précision des techniques d’imagerie qui localisent de plus en plus finement la tumeur. Cela permet de mieux préserver les organes et tissus sains se trouvant à proximité.

Dans le cas du cancer du sein, si la glande mammaire gauche est touchée, «l’une de nos préoccupations était de protéger le cœur, qui se trouve derrière, car les rayons peuvent avoir une certaine toxicité cardiaque, explique l’oncologue du CHUV. Des techniques respiratoires évitent maintenant le risque. Lorsque la patiente inspire et gonfle ses poumons, leurs parois s’écartent, éloignant le cœur du sein. Les radiothérapeutes profitent de ce moment pour la soumettre aux rayons et, quand elle expire, ils arrêtent. Ce procédé permet d’épargner presque complètement le cœur.»

La chimiothérapie

Ces dernières années, la chimiothérapie en tant que telle n’a pas beaucoup évolué. Ce qui a changé, c’est son utilisation dans le domaine de la prévention.

Après avoir été opérées, certaines patientes sont soumises à une chimiothérapie destinée à réduire le risque de récidive de leur cancer du sein. Auparavant, elles étaient nombreuses à suivre ce protocole, «ce qui pouvait entraîner des surtraitements», précise le Dr Zaman. Aujourd’hui, en analysant génétiquement leur tumeur, on peut mieux prédire comment évoluera leur cancer en l’absence de chimiothérapie.

Grâce à cela, «on a réduit pratiquement de moitié le nombre de personnes à qui l’on propose cette thérapie. Même si elles ont un test génétique positif et que quelques-uns de leurs ganglions sont touchés, les femmes ménopausées n’en ont pas besoin.» Etant donné les effets indésirables induits par la chimiothérapie, c’est un véritable progrès.


Le «savoir patient»

Dans la prise en charge d’un cancer, les traitements ne font pas tout. Les patients, eux aussi, ont leur mot à dire et leur expérience à partager. De plus en plus fréquemment, «nous les invitons à participer à nos réflexions aux symposiums lors desquels nous discutons du traitement le mieux adapté à leur cas», remarque le Dr Khalil Zaman, qui dirige le Centre du cancer du sein au CHUV. Quant aux laboratoires de recherche qui élaborent de nouveaux traitements, ils sont de plus en plus nombreux à les intégrer, eux et leurs représentants, à leurs études afin de tirer profit de ce que l’on nomme le «savoir patient».

La notion de bénéfice d’un traitement n’est en effet pas toujours la même pour un scientifique ou un oncologue et pour la personne qui le suit. Il en va de même pour les effets secondaires: «Du point de vue médical, nous pouvons considérer qu’ils sont faibles, mais pour celle ou celui qui les subit pendant plusieurs mois, ils peuvent être très pénibles», dit le spécialiste.

C’est pour cette raison que, «avant de déclarer qu’un nouveau traitement est «valable», l’ESMO (la Société européenne d’oncologie médicale) a développé un score qui tient compte non seulement de l’efficacité de la thérapie, mais aussi du gain que celle-ci apporte en termes de qualité de vie des patients».


«Ces traitements incroyables me permettent de vivre normalement»

Le témoignage de Michèle, 60 ans

«En octobre 2010, on m’a diagnostiqué un cancer du sein. Comme toutes les femmes du côté de mon père étaient décédées de cette maladie, j’ai fait un examen génétique qui a conclu que j’avais une tumeur BRCA2 (cancer dû à une mutation, héréditaire, d’un gène BRCA, ndlr).

J’ai dû subir une mastectomie du sein gauche puis, un an plus tard, du sein droit ainsi qu’une une ablation des ovaires, par sécurité. Comme mon cancer était agressif, j’ai suivi deux cures de chimiothérapie. Malgré cela, je n’ai pas été tranquille très longtemps. Peu après avoir eu une reconstruction des seins, j’ai fait une rechute en 2013. J’avais des métastases dans le fémur et dans l’une de mes côtes gauches, c’était mal engagé. J’ai donc suivi une radiothérapie, puis une cimentoplastie sur la côte touchée, plus une hormonothérapie. Heureusement pour moi, mon nouvel oncologue travaillait alors au CHUV et, en 2016, j’ai pu participer à une étude en cours sur un nouveau médicament novateur, l’olaparib (traitement ciblé, notamment destiné aux femmes porteuses d’une mutation BRCA, ndlr).

Ce traitement a fait merveille pendant cinq ans. Malheureusement, en septembre 2021, de nouvelles cellules cancéreuses sont apparues. Maintenant, je bénéficie d’un autre traitement avec un médicament qui s’appelle l’abemaciclib (inhibiteur de CDK4/6). Tous les mois, je dois faire aussi des injections d’un produit d’hormonothérapie.

Ce sont des traitements incroyables, car ils me permettent de vivre tout à fait normalement. L’olaparib n’entraînait aucun effet secondaire chez moi. Quant à l’abemaciclib, il provoque des problèmes intestinaux, une altération du goût et une sécheresse oculaire, mais c’est tout à fait supportable. Dans une situation comme la mienne, on ne peut pas se plaindre. Aujourd’hui, je suis toujours ce traitement et je me porte très bien.»

 

Par Elisabeth Gordon publié le 10 juin 2022 - 08:52