Bonjour,
Le plus célèbre de nos infectiologues a partagé son quotidien entre Paris et Genève jusqu’en juin. Avant de s’accorder un peu de vacances et de se mettre au VTT électrique, à défaut de faire de la confiture de figues!
Christian Rappaz
Didier Pittet, médecin infectiologue et épidémiologiste suisse. Il est spécialiste de l'hygiène des mains et du contrôle des infections. En 1995, il a découvert que la friction hydroalcoolique est plus efficace que le lavage des mains à l'eau et au savon pour lutter contre les maladies nosocomiales. Il est l'inventeur du gel hydroalcoolique.
François Wavre | lundi13Il nous a donné rendez-vous à 14 h 15 jusqu’à 15 h 40. Parole tenue. A la seconde près. Il est comme ça, le professeur Pittet. Pas facile à rencontrer, «parce que répondre aux médias empiète beaucoup sur le temps de travail», mais disert et très communicatif lorsqu’on parvient à l’attraper.
Alors que nous étions montés à son bureau perché au neuvième étage des HUG pour apprendre comment le scientifique mais surtout le citoyen Pittet a vécu cette année 2021 très particulière, nous avons d’abord eu droit à un long bilan de la situation pandémique.
>> Lire aussi: Didier Pittet: «La cupidité des pharmas est sans limites»
A une année de la retraite, on ne se refait pas. Il faut dire que la crise du covid, le co-inventeur du gel hydroalcoolique l’a conjuguée à tous les temps et sur tous les modes depuis mars 2020. Mais plus encore cette année, au cours de laquelle la mission indépendante nationale française qu’il a présidée devait remettre son rapport final au président de la République.
Un pavé de 450 pages, «comprenant 250 pages d’annexes», tempère-t-il, décortiquant la gestion de la crise dans l’Hexagone en comparaison internationale. «Ce qui m’a valu de voyager en Allemagne, en Slovaquie, en Slovénie et en Autriche. En dehors des voyages, je travaillais le lundi et le mardi à Genève et je ralliais Paris le mercredi matin jusqu’au samedi. Toujours en TGV, où je me trouvais souvent seul dans le wagon, confinement oblige.»
Une trentaine d’allers et retours, jusqu’à la fin juin. «On m’avait prêté un petit appartement situé à quinze minutes de l’Elysée. Les auditions se faisant à l’hôtel de Marigny, à proximité du palais, c’était pratique. Le soir, avec le couvre-feu, il n’y avait malheureusement pas grand-chose à faire.»
Pas le temps non plus de jardiner à son retour au pays, le week-end, ce hobby qu’il affectionne tant. «Un ami paysagiste compatissant est venu me voir en disant: «Je vois bien qu’avec ton programme, tu n’arriveras pas à t’occuper du jardin. Ne t’inquiète pas, je le ferai moi. Et pas question d’argent entre nous.» La classe, quoi.
«A l’hôpital, c’est mon adjoint, le professeur Stephan Harbarth, qui a parfaitement suppléé à mes absences. C’est lui qui me succédera après mon départ à la retraite, en septembre prochain.»
>> Lire aussi: Soins, transmission, hygiène: comment lutter contre le Covid-19 avec Didier Pittet
Pas de confiture de figues non plus, ce rituel que perpétue depuis des années celui qui est cité au rang des candidats au Prix Nobel de la paix depuis 2012. «Avec la météo exécrable de cet été, elles n’ont pas mûri. Pas d’abricots non plus et une bricole de poires. La misère. Du coup, je me suis acheté un VTT électrique. C’est mon nouvel outil de détente. Le dimanche, je sillonne le canton ou je monte au Salève, parfois à pied aussi. Et je passe du temps en famille. Avec nos six enfants et nos quatre petits-enfants, dont le petit garçon de ma fille cadette âgé de 1 mois et demi, il y a de quoi faire. Il m’arrive également de rendre visite à l’un de mes fils, chanteur baryton, qui suit actuellement une école de musique pop à Londres. Et s’il me reste du temps, je lis ou je regarde un documentaire sur Arte ou le 19h30. Mon épouse, qui a fait philo à l’uni, est ma meilleure conseillère en matière de lecture et d’émissions», assure ce lève-tôt. «Au plus tard à 5 h 15 ou 5 h 30 l’hiver, pour être tôt à l’hôpital.»
Vacances. Le mot résonne comme un soulagement aux oreilles du professeur. «Nous avons fait une semaine de plongée en Espagne en juillet et quinze jours sur l’île grecque de Spetses. Un régal!» Avant un retour brutal à la réalité…
La poétesse Amanda Gorman appelle à l’unité des Etats-Unis lors de la cérémonie d’investiture de Joe Biden, 20.01.2021 Washington:
Patrick Semansky/UPI/imago-images«Cette magnifique jeune poétesse qui parle d’unité et de solidarité au moment où la notion d’espoir est problématique pour la jeune génération est quelque chose qui m’a énormément frappé et ému. Cela fait partie de ces instants de grâce qui comptent lorsque les divisions menacent la cohésion nationale, mise à mal par le comportement odieux de Donald Trump.»
Invasion du Capitole par des émeutiers pro-Trump, convaincus que «l’élection lui a été volée». Saccages, pillages, outrages, la scène choque le monde entier. Quatre émeutiers et un policier ont perdu la vie. Sur la photo, Eugene Goodman fait face aux assaillants et réussit à les détourner, protégeant ainsi de nombreuses personnes. Il a été récompensé par la prestigieuse Congressional Gold Medal pour son action héroïque pendant les événements, 06.01.2021 Washington:
Ashley Gilbertson/VII/Redux/laif«On atteint là le sommet de ce qu’on peut imaginer. A force de balancer des «fake news», de gérer la crise du covid de manière désastreuse, de créer la bisbille entre républicains et démocrates, de tellement mal se comporter et de casser l’idée de la démocratie, Trump a fait mourir des gens et a réussi à hisser les Etats-Unis en tête des nations développées qui ont le plus mal géré la crise. Je ne serais pas étonné qu’il soit accusé un jour de crime contre l’humanité, spécialement américaine.»
Guy Parmelin et Alain Berset annoncent des mesures très fortes pour lutter contre la pandémie, 13.01.2021 Berne:
Fabrice Coffrini/AFP«Pourquoi le 13 janvier? Parce qu’on s’est planté dans la gestion de la deuxième vague. On paie notre retard de l’automne 2020, puis on a laissé les gens aller skier. Les stations ont dit: «On n’a pas eu de clusters.» Faux. Huit au moins ont été investigués entre les Alpes vaudoises et valaisannes. Huit connus, donc sans doute trois fois plus. En Suisse, on aime faire dans le satisfecit. Et tout à coup, paf! On impose le télétravail, on maintient la fermeture des restaurants, etc. Cela surprend tout le monde sauf les experts. Au Conseil fédéral, Alain Berset doit convaincre. Mais certains n’adhèrent pas. Alors on perd du temps, on cafouille. Notre Suisse souffre de son fédéralisme. Avec plus de solidarité, il y aurait davantage de vaccinés et de respect pour le passe sanitaire.»
En quarantaine avant l’Open d’Australie, le numéro un mondial, Novak Djokovic, s’entraîne sur le balcon de son hôtel. En finale, il battra Medvedev, remportant ainsi son 18e titre du Grand Chelem, 20.01.2021 North Adelaide (AUS):
Morgan Sette/AFP«Cette photo prise avant l’Open d’Australie est marrante. Elle dit: «Les gars, vous arrivez pour jouer mais vous êtes en quarantaine. Et il n’y a pas d’exception.» Et moi, je trouve très bien qu’il n’y en ait pas. Tout le monde est concerné par la pandémie, donc il est juste que tout le monde soit gardé en résidence.»
Dans le froid, les étudiants attendent de pouvoir accéder à la bibliothèque, dont le nombre de places a été restreint. Examens en ligne, difficultés de connexion et manque de lieux pour réviser, les étudiants ont été lourdement pénalisés,12.01.2021 Université de Lausanne:
Jean-Christophe Bott/Keystone«Ces étudiants représentent la vague silencieuse. La vague de la santé mentale, qui comprend quatre groupes. Les personnes âgées, qui ont été trop longtemps isolées, les étudiants qui se font du souci pour l’avenir, les ados qui vont jusqu’à faire des crises de panique et les familles au sein desquelles on a constaté de graves fractures, sociales et autres. Cette image évoque également les files d’attente des Vernets, à Genève. Au début on a dit: «Ce sont des migrants, des sans-papiers en quête d’aide.» Tu parles. Il y en avait certes, mais il y avait aussi beaucoup de Suisses, de Genevois. On ne doit jamais oublier cette image.»
Ellen Prosser, 100 ans, reçoit le vaccin contre le Covid-19 dans son EMS. En Grande-Bretagne, une vaccination massive a commencé, alors que les hôpitaux sont débordés. Le 26 janvier, tête baissée, Boris Johnson annoncera plus de 100 000 morts en Grande-Bretagne et reconnaît sa pleine responsabilité pour l’action du gouvernement, 07.01.2021 Londres:
Kirsty O’Connor/AFP«On vit un moment extraordinaire, là, unique, tant j’espère qu’il ne se reproduira pas 50 fois. On a besoin d’un vaccin pour résoudre un problème qui a arrêté toute la société et il arrive. Et qu’on montre une personne très âgée est un beau clin d’œil. Dans le même temps, le premier ministre, Boris Johnson, s’excuse en reconnaissant qu’il a un peu foiré, malgré la présence d’excellents scientifiques à ses côtés. Ce qui lance le débat, qui n’est de loin pas terminé, de la relation entre les scientifiques et le politique. Cela étant, lorsqu’on voyait parler M. Johnson, nous savions, nous, les spécialistes, qu’il finirait aux soins intensifs.»
Sophia, un robot doté d’intelligence artificielle, pour remplacer les humains et les protéger contre le Covid-19? L’IA de Sophia est si sensible qu’elle a éveillé le désir de fonder une famille et d’être la «mère» d’un bébé robot, Hongkong, 25 janvier:
Reuters«Cette photo est intéressante, même si la présence de robots dans les hôpitaux hongkongais n’est pas nouvelle. Un robot qui vous dit bonjour, vous demande comment vous allez, c’est sympa et cela fait partie d’une réalité qui marche plus ou moins. Mais cela ne remplacera jamais l’interaction avec l’humain, et heureusement.»
Lara Gut remporte le super-G et prend la tête du classement général de la Coupe du monde. Sankt Anton am Arlberg (A), 10 janvier:
imago images/Eibner Europa«Cette jeune fille est devenue très bonne très vite, trop vite peut-être. Elle avait encore besoin de ses parents, cela dit beaucoup de sa situation, qui a été très critiquée. Heureusement, on l’a laissée s’exprimer et elle a réalisé une année exceptionnelle. Comme Kylian Mbappé, Lara Gut a beaucoup de charisme et j’aime ça. De plus, j’adore le ski. Même si je n’ai pas le temps de regarder les courses.»
Un temple funéraire vieux de 2500 ans est découvert dans la nécropole de Saqqara, Le Caire, 17 janvier:
keystone-sda.ch« J’aime l’Egypte. J’y suis allé plusieurs fois, dont une, avec 11 membres de ma famille. Nous avons vogué sur le Nil avec une vieille felouque. J’aime comprendre cette civilisation, qui fait partie des périodes formidables de l’histoire. Qu’on continue à découvrir ce genre de vestige nous apporte de précieuses informations. Je regarde beaucoup de reportages sur ce thème quand je veux me détendre. La vie des pharaons me fascine. ».
L’opposant russe Alexeï Navalny dans l’avion pour Moscou, aéroport de Berlin Brandenburg, 17 janvier:
keystone-sda.ch«Cette affaire me touche particulièrement. Qu’on puisse, dans un Etat, empoisonner quelqu’un à cause de ses idées et que le gars retourne dans son pays pour défendre une cause à laquelle il croit, je trouve ça magnifique. Respect. Le Prix Sakharov témoigne de la reconnaissance pour son combat. Je suis souvent en contact avec mes collègues russes. Quand ils détectent une épidémie, ils n’ont pas le droit de la déclarer. Et les cas covid sont totalement sous-estimés dans ce pays.»
Cérémonie d’investiture de Joe Biden, Washington, 20 janvier:
Dukas«L’élection de Joe Biden apporte un vrai soulagement. Le monde en avait marre de Trump. Certains de mes amis me disaient «Si Trump est réélu, je quitte les Etats-Unis.» Biden arrive et on retourne vers un balancier un peu plus correct. Et puis, avec sa voix d’or, Lady Gaga interprète «Amazing Grace», une musique que j’adore. Cela ajoute à l’émotion de l’instant.»