«Octobre 2001. J’ai 8 ans. Nous sommes en famille sur notre voilier de croisière – un Long Vent construit par le chantier naval Stämpfli à Grandson (VD) – toutes voiles dehors, dans une zone sans vent au lever du soleil, aux Canaries, entre les îles La Graciosa et Lanzarote. Nous sommes partis de Port Camargue quatre mois auparavant avec mon frère, mes sœurs et nos parents. Nous avons passé Gibraltar, longé la côte marocaine et là, nous sommes entourés d’une quarantaine de bateaux, de tout petits bateaux, avec des spis de toutes les couleurs. Nous comprenons qu’il s’agit de l’arrivée de la première étape de la Mini Transat entre Fort Boyard et les Canaries.
Je ne connaissais pas vraiment cette course, même si je feuilletais déjà des magazines de voile. La ligne d’arrivée se situait à Lanzarote tandis que nous, nous accostions à La Graciosa. Alors le lendemain, nous prenons le ferry pour Puerto Calero. Dans ce port sont amarrés une soixantaine de ces minis, ces bateaux de 6,50 m. Il y a des marins de tous les âges, des sourires partout, des gens tellement heureux de réaliser leur rêve. Car il y a vingt ans, la Mini Transat, c’était le plein essor de la course au large, avec beaucoup de prototypes, très peu de voiliers de série. Il y en avait une bonne quinzaine qui étaient de vrais protos bricolés dans des garages. Et je me souviendrai toujours de cette arrivée en famille dans ce port, sac au dos. Il y avait la mythique Arielle Cassim, dans son petit bureau, qui donnait la météo marine sur les ondes de RFI pour les marins encore en mer. Ceux qui étaient déjà arrivés venaient la remercier. C’est ce jour-là, face à cette camaraderie, cette convivialité, que je me suis dit que c’était ça, ce que je voulais faire. Parmi ces concurrents, il y avait déjà des navigateurs contre qui je cours aujourd’hui: Bestaven, Boissières, Hermann…
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Il faut replacer ça dans mon contexte de navigation en famille. Nous étions sur un bateau avec une cuisine, avec des toilettes. Tout était chouette. Et là, je vois ces gars qui vont traverser l’Atlantique jusqu’à Salvador de Bahia sur des bateaux deux fois plus courts et donc avec un habitacle huit fois moins spacieux. Déjà nous, en famille, nous nous disions que nous étions un peu jetés de faire ça. Nous préparions méticuleusement notre transatlantique pour que tout se passe bien, avec une escale au Cap-Vert. Et là, j’ai sous les yeux des petits bateaux faits de bric et de broc dans lesquels ces gens vont traverser l’Atlantique directement, en solitaire et le plus vite possible. A partir de ce moment-là, j’ai dessiné tous les jours des minis en essayant d’inventer la carène la plus performante possible. Sept ans plus tard, j’ai acheté mon propre mini.
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Sans cette rencontre imprévue avec la Mini Transat, je serais peut-être passé à côté de ma passion. Une passion renforcée encore par le livre d’Ellen MacArthur que m’ont offert mes parents après m’avoir vu aussi fasciné par ces marins et leurs bateaux. Cette journée, ce fut Noël pour moi. Et je n’ai plus cessé de bassiner quotidiennement mes parents avec mes rêves de Mini Transat et de courses en solitaire.»
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Son nouveau bolide
Grâce à un mécène qui a racheté à Alex Thomson son Hugo Boss, Alan Roura dispose du voilier Imoca qui était le plus en avance sur son temps lors du Vendée Globe 2020. Le Genevois va notamment faire la Route du Rhum en novembre 2022 avant de s’embarquer pour son troisième Vendée Globe à la fin de 2024.