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Santé

Wegovy: ce nouveau médicament pour aider les personnes obèses à maigrir

Un médicament auto-injectable contre le surpoids arrive en Suisse. Il permet de perdre une quinzaine de kilos en moins d’une année et demie. L’efficacité du traitement nécessite un changement des habitudes de vie.

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Obésité

Un médicament auto-injectable contre le surpoids arrive en Suisse, il permet de perdre une quinzaine de kilos en moins d’une année et demie.

Noura Gauper
Francesca Sacco

Imaginez un traitement médical qui permette de perdre un peu plus de 15 kilos en l’espace de treize à dix-sept mois. C’est l’espoir que laisse entrevoir un nouveau médicament qui vient d’être approuvé par l’autorité suisse de régulation des produits thérapeutiques, Swissmedic. 

Baptisé Wegovy, il pourrait être disponible en pharmacie au début de l’année prochaine. Il se présente sous la forme d’un stylo-injecteur contenant 2,4 mg d’une substance que le patient devra s’administrer par voie sous-cutanée une fois par semaine.

La molécule en question appartient à une nouvelle classe de médicaments utilisés depuis plus de quinze ans contre le diabète de type 2, également appelé diabète acquis. Comme ils favorisent la perte de poids, leur prescription a été étendue aux personnes obèses non diabétiques. D’un point de vue chimique, ils ressemblent à une hormone impliquée dans la régulation de l’appétit, le glucagon-like peptide 1 (GLP-1). 

Après l’ingestion de nourriture, cette hormone est sécrétée naturellement au niveau des intestins et libérée dans le sang, induisant un sentiment de satiété. Une quantité d’études récentes ont prouvé que les GLP-1 exercent un effet coupe-faim. Bonus: ils réduiraient l’attirance pour les aliments très caloriques.

Des pertes de poids encore jamais égalées

Le premier analogue du GLP-1 commercialisé autorisé pour le traitement de l’obésité, la liraglutide, arrive sur le marché suisse en 2017 sous le nom commercial de Saxenda. Dans les études, les patients perdent en moyenne 8,4 kilos en cinquante-six semaines. Le médicament doit être auto-injecté quotidiennement (contre une fois par semaine pour le Wegovy). 

En 2021 arrive la sémaglutide, qui sera commercialisée sous le nom d’Ozempic pour le diabète et de Wegovy pour le surpoids et l’obésité. Ce nouvel analogue du GLP-1 affiche une efficacité encore jamais observée: il est associé à une perte de poids médiane de 15 kilos environ en une année et quelques. 

Des essais comparatifs montrent que 65% des patients sous sémaglutide arrivent à perdre au moins 10% de leur poids corporel, contre seulement 34% dans le groupe sous liraglutide. Selon la revue médicale «Minerva», dont le but est de promouvoir la diffusion d’une information scientifique de qualité, ces recherches sont de «bonne qualité méthodologique». Pour la première fois, on se rapproche des résultats obtenus avec les traitements chirurgicaux de l’obésité, comme le by-pass.

La particularité de cette nouvelle classe de médicaments est que leur efficacité augmente à proportion de la dose. De ce fait, les quantités administrées pour le traitement du surpoids ont tendance à être plus élevées que celles qui sont prescrites pour le contrôle de la glycémie (taux de sucre dans le sang) en cas de diabète.

Une prescription sous haute surveillance

La question du remboursement du nouveau médicament est en cours de discussion au sein de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Quant aux conditions de prescription, elles seront très strictes. Ne pourront l’obtenir que les personnes qui présentent une obésité ou un surpoids avec au moins une complication (par exemple, une hypertension artérielle, un taux de cholestérol élevé ou un diabète de type 2). Le traitement sera intégré dans une prise en charge globale, incluant régime alimentaire et exercice physique. 

Ces précautions n’ont rien de surprenant, car elles correspondent au protocole des essais cliniques. En effet, le Wegovy a été étudié exclusivement en association avec une restriction de 500 calories par jour et 150 minutes de mouvement par semaine au moins. 

A noter que le médicament ne pourra pas être prescrit aux jeunes de moins de 18 ans, faute de preuves de sécurité et d’efficacité sur cette catégorie de patients, ni aux femmes enceintes, en raison d’une incertitude quant aux risques éventuels pour le fœtus.

Un traitement pas forcément remboursé

Pour que l’assurance maladie accepte d’entrer en matière, le patient devra se soumettre à des contrôles réguliers chez son médecin. Si, après vingt-huit semaines de traitement, le patient n’a pas perdu au moins 5% de son poids initial, le traitement pourrait cesser d’être remboursé, selon les informations données par Swissmedic. Certains spécialistes de l’obésité craignent que certaines personnes ne se tournent vers le marché noir après un refus. En Suisse romande, les demandes de prescription affluent déjà dans les services de consultation de l’obésité. Il existe des listes d’attente allant jusqu’à six mois dans plusieurs hôpitaux.

Des effets secondaires digestifs fréquents

Environ 74% des patients se plaignent de troubles d’ordre digestif, qui augmentent proportionnellement à la dose. Il s’agit essentiellement de nausées, de diarrhées et de vomissements. «Mais leur sévérité est généralement légère à modérée et ils tendent à disparaître avec le temps», déclare la docteure Dominique Durrer, présidente de l’association Eurobesitas. 

«Dans les études, seulement 4,5% des patients ont dû arrêter le traitement à cause de ces effets secondaires», tient à préciser le professeur Zoltan Pataky, spécialiste de l’obésité et médecin adjoint agrégé au Service d’endocrinologie, diabétologie, nutrition et éducation thérapeutique du patient des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Des essais menés sur des rats ont également révélé un risque accru de cancer de la thyroïde. Pour cette raison, aux Etats-Unis, où il est disponible depuis 2021, le Wegovy a été assorti d’un avertissement des autorités pour ce type de cancer. 

Un médicament à prendre comme une béquille

Les spécialistes de l’obésité sont unanimes: seul, le médicament ne suffit pas pour perdre du poids. Un accompagnement professionnel et personnalisé est indispensable. «A ma connaissance, c’est la première fois que l’industrie pharmaceutique reconnaît très clairement que le traitement du surpoids et de l’obésité passe par un changement des habitudes de vie, affirme Maaike Kruseman, diététicienne et docteure en sciences de la vie. On entend encore trop de discours qui laissent croire qu’il n’est pas nécessaire de changer sa façon de vivre au quotidien. Le Wegovy sera certainement utile à certains patients, puisqu’il diminue la sensation de faim. Mais l’appétit n’est pas le seul facteur de prise de poids et c’est pourquoi le positionnement du fabricant en faveur du changement comportemental mérite d’être salué.» 


Les conseils de Maaike Kruseman

Auteure du livre «Changer de poids, c’est changer de vie», publié en 2020, l’experte en nutrition et diététique Maaike Kruseman cite au moins trois choses importantes que les personnes obèses ou en surpoids ont intérêt à savoir.

Changer de poids, c’est changer de vie

Le livre «Changer de poids, c’est changer de vie» de Maaike Kruseman (Ed. Planète Santé) donne la parole à ceux et à celles qui ont maintenu une perte de poids avec succès.

DR

Chercher des sources de motivation pour s’encourager. «Il n’existe pas de stratégie universelle pour perdre du poids et maintenir les acquis. Chaque personne doit trouver ce qui l’aide à persévérer. C’est surtout faire durer le changement qui est difficile pour beaucoup de gens, il est donc important de trouver quelque chose qui procure de la satisfaction. Au début, la récompense, c’est voir le poids baisser sur la balance, la taille de pantalon qui diminue... Avec le temps, le sentiment de gratification a tendance à s’estomper et il devient nécessaire de trouver une autre source de motivation. Je conseille aux gens de prêter davantage attention à toutes les petites choses qu’ils arrivent à faire – par exemple, ne pas se resservir à table. A long terme, c’est le changement lui-même qui va donner à la personne des raisons de s’encourager. Chaque fois qu’elle ne prend pas une deuxième portion doit être ressentie comme un succès, indépendamment de l’évolution de son poids. Il peut être utile de tenir un journal pour mieux prendre conscience de ces petits changements qui, au final, font la différence.»

Oser demander de l’aide. «Penser qu’il est possible de perdre du poids sans soutien extérieur est un piège. Pour changer de poids, il faut changer de vie et ce n’est pas quelque chose qu’on peut faire tout seul dans son coin. L’entourage a un rôle essentiel à jouer. Il est important de se sentir accompagné par ses proches. Il y a différentes façons de soutenir une personne qui cherche à maintenir une perte de poids, mais les études montrent que les félicitations, les compliments et la participation active fonctionnent mieux que les conseils, qui sont perçus comme des critiques.»

Viser un changement profond. «Le challenge consiste à tenir la distance. Perdre du poids n’est pas forcément difficile à court terme. Pour durer, le changement doit être profond et il est illusoire de vouloir changer profondément en peu de temps. C’est pourquoi il est utile d’associer dès le départ le changement à quelque chose de positif. Monter sur la balance, c’est un peu comme passer un examen scolaire: le chiffre qui s’affiche doit être relativisé, car même si l’élève a bien travaillé, cela ne se voit pas toujours forcément sur sa note, par exemple s’il est dans un mauvais jour. Si le poids stagne, il y a un risque de céder à un sentiment de déception, alors qu’il est normal de maigrir par paliers, avec des plateaux qu’il s’agit de consolider. Il faut chercher la constance dans le changement alimentaire et être conscient que ce changement, c’est pour la vie.»


Le surpoids et ses conséquences en chiffres

1. En Suisse, 42% de la population est en surpoids et, sur ce chiffre, 11% se trouve en situation d’obésité.

2. Au niveau mondial, près de 2 milliards de personnes sont en surpoids et 650 millions souffrent d’obésité.

3. Le surpoids et l’obésité constituent la 5e cause de mortalité dans le monde.

4. Les complications, dont le diabète de type 2, entraînent 2,8 millions de décès par année.

5. Le diabète de type 2 touche près de 460 000 personnes en Suisse.

6. Dans le monde, cette maladie concerne plus de 450 millions de personnes, contre 108 millions en 1980. Leur nombre devrait dépasser les 629 millions en 2045.


Qu’est-ce que l’obésité?

Il existe une formule mathématique pour savoir si une personne souffre d’obésité: l’indice de masse corporelle, ou IMC (body mass index en anglais). Pour faire simple, il s’agit de déterminer le rapport entre le poids et la taille d’une personne. L’IMC se calcule en divisant le poids corporel (exprimé en kilos) par la taille au carré (m2). L’individu qui se situe entre 18,5 et 25 a une corpulence normale; entre 25 et 29,9, il est en surpoids; à partir de 30, il est considéré comme obèse. Au-delà de 40, on parle d’obésité morbide.

Bien qu’il soit pratique, cet indice présente l’inconvénient de s’appliquer indistinctement aux deux sexes, alors que les femmes ont naturellement un taux de masse supérieur à celui des hommes. C’est pourquoi les médecins le complètent souvent par la mesure du tour de taille avec un banal ruban métrique.


Wegovy, mode d’emploi

Ce nouveau médicament de l’obésité se présente sous la forme d’un stylo-injecteur à usage unique. Il contient une seule dose de médicament auto-administrable par voie sous-cutanée. La piqûre doit être effectuée une fois par semaine, si possible toujours le même jour, mais pas nécessairement au même moment. Les endroits conseillés sont la cuisse ou le ventre. Le dispositif est facile à manier. Si nécessaire, le médecin ou le pharmacien peuvent montrer au patient comment faire. La dose hebdomadaire recommandée est de 2,4 mg, mais le traitement débute à une dose beaucoup plus faible, qui est progressivement augmentée sur une période de seize semaines. Le prix du médicament n’est pas encore connu. A titre comparatif, le coût d’un traitement avec le Saxenda avoisine les 200 francs par mois.

Par Francesca Sacco publié le 26 novembre 2022 - 10:08