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Au Café du coin

Discussion autour de la guerre en Ukraine et des représentants UDC pro-Poutine

Pénurie de courant, guerre en Ukraine, débats autour de l’UDC: dans le Toggenbourg (SG), le Café du Coin de «L’illustré» prend un tour très émotionnel. Toni Brunner plaide pour l’énergie nucléaire, il aborde le sujet du service militaire obligatoire pour les femmes et, pour ce qui est de la gestion de crise, il s’en remet à sa compagne Esther Friedli.

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Un toast à la vie: Stefan Regez, Armin Landerer, Toni Brunner, Esther Friedli, Gabi et Josef Andres.

Kurt Reichenbach

Ce matin-là, à l’Auberge Sonne d’Ebnat-Kappel, dont l’enseigne porte aussi le nom de Haus der Freiheit (Maison de la liberté), le Café du Coin de «L’illustré» se consacre à l’actualité brûlante. En plus des aubergistes, la conseillère nationale Esther Friedli, 44 ans, et Toni Brunner, 47 ans, ex-président de l’UDC, on y retrouve Armin Landerer, 60 ans, CEO de la DEAR Foundation-Solidarité Suisse, et, pour représenter le lectorat, le couple Gabi et Josef Andres, 68 ans tous les deux, de Rafz (ZH). Le modérateur Stefan Regez veut savoir d’emblée quand les bans seront publiés.

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Un tandem fort sur les plans politique et privé: Toni Brunner et Esther Friedli. «Nous formons une super équipe», dit-elle.

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- Toni, quand allez-vous vous marier?
- Toni Brunner (en riant): Vous le lirez dans la «Schweizer Illustrierte». Mais sans doute avec beaucoup de retard, car, ici, nous sommes loin de tout. Rien n’est encore programmé, mais il y a une option ferme.
- Esther Friedli: Je n’ai rien à ajouter.
Que se passe-t-il à l’UDC? Adolf Ogi s’est exprimé dans le «Blick», disant qu’il ne comprenait plus rien à ce que racontent les chefs.
- Toni Brunner: Je sais comment ça marche. Adolf s’est aussi déjà illustré chez nous. Ce qu’il dit a du retentissement et c’est pourquoi le Blick le cite. Au fond, c’est simple: nous avons des principes intangibles. La neutralité armée permanente et l’autodétermination, autrement dit la souveraineté du peuple. La boussole de l’UDC est bien réglée. Malgré les déclarations de l’un ou l’autre, l’UDC n’a cessé de croître depuis des décennies. Et les Suisses n’aiment pas que quelqu’un devienne trop dominant. Cela dit, dans un parti populaire, il peut y avoir des opinions différenciées. Tout le monde n’est pas obligé de s’exprimer sur le conflit Ukraine-Russie. Mais je trouve triste que les négociations se déroulent en Turquie et pas en Suisse.

- A Zurich et à Berne, l’UDC a récemment essuyé des pertes notables. Esther Friedli, vous qui êtes politologue, comment l’expliquez-vous?
- Esther Friedli: Il faut un peu relativiser. Dans le canton de Berne, nous avons perdu 0,9% des suffrages. A Obwald et à Nidwald, nous en avons gagné, même si, à Obwald, le système proportionnel nous a valu de perdre des sièges. Dans bien des cantons, l’UDC demeure le parti qui réunit le plus d’électeurs. Il est toujours plus facile de croître que de consolider. L’UDC va examiner les résultats dans le détail. Quand on perd des sièges, il y a d’ailleurs souvent des raisons très locales.

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Un homme du peuple nature: Toni Brunner et son frère aîné, Andi, qui donne un coup de main au restaurant.

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- Nous sommes à la Maison de la liberté. Or l’Ukraine lutte désespérément pour sa liberté. Mais l’UDC irrite par des prises de position incompréhensibles. Certains de ses éminents représentants, comme Franz Grüter, Andreas Glarner et Roger Köppel, font des déclarations surprenantes.
- Toni Brunner: La liberté d’opinion existe dans ce pays. Cela dit, le modèle suisse pourrait être une solution pour l’Ukraine. Je ne sais pas où on en est des négociations de paix, mais, si l’on veut apaiser la situation, il faut trouver une solution diplomatique. Et elle pourrait consister à ce que l’Ukraine soit un Etat indépendant et neutre, hors de l’OTAN. Zelensky a proposé quelque chose d’approchant. Pour y arriver, il veut une votation populaire et une légitimation démocratique.
- Armin Landerer: Je ne sais pas si cela a du sens de brandir le concept de neutralité. Les interpénétrations sont trop importantes. Nous ne pouvons pas dire que tout cela ne nous concerne pas. Maintenant, nous devons jouer cartes sur table et clairement prendre position sur le plan moral.
- Esther Friedli: On peut rester attaché à la tradition de la neutralité même en s’associant à certaines sanctions économiques. Nous l’avons toujours montré par le passé. Dans le cas qui nous occupe, on a, à mon avis, un flop dans la communication. Il n’est pas bon que le président américain affirme que la Suisse a abandonné sa neutralité. C’est pour cela que nous ne jouons plus aucun rôle dans les négociations. Quand le président de la Confédération se comporte sur la place Fédérale comme un manifestant, ça devient intenable.
- Toni Brunner: La dernière fois que Poutine et Biden se sont serré la main, c’était en Suisse. On peut s’associer à des sanctions sans le crier sur les toits. Le président turc Erdogan n’est pas un ami de Poutine, la Turquie est d’ailleurs membre de l’OTAN, mais il s’y est pris plus habilement et a offert aux parties en guerre une plateforme de négociations. Je le répète: on peut s’associer aux sanctions sans se la jouer dilettante comme Ignazio Cassis. Il s’est laissé mettre sous pression.
- Armin Landerer: La pression venait de Bruxelles. Sans parler de la pression des images à la télévision.
- Josef Andres: Les Américains exercent aussi des pressions grâce à leur économie.
- Toni Brunner: C’est peu ragoûtant pour un petit pays d’être pareillement contraint par de prétendus amis, de mettre sa neutralité au frigo. Le fait que, dans les sondages, le peuple approuve la politique du gouvernement tient à la question posée. Si on avait demandé: «Est-ce que la Suisse, en tant qu’Etat neutre, doit organiser des négociations de paix?», à peu près personne n’aurait dit non.

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Gabi Andres: «Tant qu’il n’y aura pas d’alternatives respectueuses du climat, les centrales nucléaires doivent rester une option.»

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- Beaucoup de représentants de l’UDC affichent leur compréhension pour Poutine.
- Esther Friedli: L’UDC défend la neutralité. Je condamne cette guerre et je suis d’accord que l’on aide rapidement sur place et en Suisse les personnes déplacées par la guerre. Par ailleurs, il est essentiel de se concentrer sur la politique de sécurité et d’approvisionnement. Il y a beaucoup à faire en la matière.
- Toni Brunner: Je suis du même avis. Je me souviens de débats avec Cédric Wermuth sur la politique de sécurité. Chaque fois qu’il était question d’augmenter le budget de l’armée, il nous qualifiait de ploucs qui croient que des chars ennemis pourraient déferler sur la Suisse. Or on voit bien qu’il n’y aura pas de paix éternelle. Ces dernières semaines, il s’est produit quelque chose que personne n’imaginait.
- Josef Andres: La situation actuelle nous montre brutalement ce qui peut se produire. Nous devons remettre l’armée à niveau. Et l’acquisition des avions de combat F-35 en fait partie.
- Esther Friedli: Avec son initiative, la gauche entend obtenir une votation populaire sur ces avions, alors même que le peuple vient de voter sur l’acquisition d’avions de combat. Or ce n’est pas le type d’avion qui ne lui convient pas, elle a une position de principe contre les avions de combat. C’est pourquoi cette initiative est hypocrite et nuit à la Suisse.
- Toni Brunner: Ces dernières années, nous n’avons cessé d’économiser sur l’armée, pendant que d’autres dépenses explosent. Il importe de parler des effectifs de l’armée. Je n’ai pas l’impression qu’en ce moment elle serait en mesure de défendre notre pays.
- Armin Landerer: C’est peut-être impopulaire, mais je serais en faveur d’un service militaire obligatoire pour les femmes. En Israël, les femmes le font et se sentent à l’aise dans ce rôle.
- Toni Brunner: C’est un point intéressant qu’il faudrait examiner. On ne peut pas prétendre que nous sommes tous égaux et ne pas exiger la même chose des deux sexes.
- Josef Andres: Absolument. Si l’on défend l’égalité des droits, il faut entrer en matière sur ce thème.
- Esther Friedli: Le conflit en Ukraine nous montre que nous devons être en mesure de défendre nous-mêmes le pays en cas de nécessité. Nous ne pouvons pas nous en remettre à autrui.
- Toni Brunner: Il faut aussi songer à un autre point: lorsque des étrangers se font naturaliser, ils doivent faire leur service même après leur 20e anniversaire.

- Revenons-en à l’UDC. On dirait qu’il y a un problème de gouvernance au sein du parti. Monsieur Brunner, vous devriez revenir.
- Toni Brunner (en riant): Toni reste dans ses montagnes. Nous sommes dans une phase de consolidation. Il y a bientôt des élections aux Grisons et nous serons dans le camp des vainqueurs. La direction doit veiller à ce qu’on puisse compter sur nous. Quand j’ai su qui devenait responsable du programme – à savoir Esther –, je me suis dit que ça allait bien se passer.
- Esther Friedli: Nous devons nous en tenir à nos principes et à nos fondamentaux: la liberté de nos citoyens et de notre pays, ainsi que la sécurité. Un approvisionnement en énergie sécurisé en fait partie. Le tournant énergétique 2050 revient toujours plus à tirer des plans sur la comète. Nous voulons débrancher nos centrales atomiques et, simultanément, nous importons du courant d’origine nucléaire. Ça ne tient pas debout.
- Armin Landerer: Je vous donne pleinement raison. L’abandon du nucléaire à la suite de la catastrophe de Fukushima fut une décision prise sous le coup de l’émotion. Nous devons améliorer notre taux d’autosuffisance et réduire nos dépendances. Il ne faut pas hésiter à relancer le débat sur les centrales nucléaires.
- Toni Brunner: Le pire est que nous nous sommes imposé des interdictions technologiques. Nous nous sommes ainsi exclus de la compétition. Tout serait plus facile si nous disposions de notre propre technologie. Or, désormais, nous allons faire tourner nos vieilles centrales aussi longtemps que possible tout en important du courant de l’étranger à des prix qu’on nous impose. Il faut malheureusement l’avouer: la politique énergétique de Doris Leuthard est un échec.

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Armin Landerer, CEO de la fondation, plaide pour que les femmes fassent aussi leur service militaire.

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- Parlons encore des réfugiés ukrainiens en Suisse. Vous engagez-vous?
- Gabi Andres: Il y a des gens dans notre proche entourage qui en ont accueilli. C’est beau. Mais je constate aussi que les familles accueillantes touchent à leurs limites. Accueillir des étrangers n’est pas aussi simple qu’il y paraît.
- Armin Landerer: Nous vivons une immense tragédie. Il faut un soutien professionnel pour la gérer. Les gens venus d’Ukraine sont traumatisés, il faut les encadrer. Il est juste qu’ils soient enregistrés. Mais les accueillir dans un ménage privé, c’est parfois trop en demander. Au fond, c’est une tâche de l’Etat.
- Esther Friedli: La solidarité des Suisses est énorme. Il est juste d’accueillir temporairement des gens déplacés par la guerre, mais il faut aussi veiller à ce que cela n’entraîne pas des abus. Je suis plutôt réservée à propos de l’accueil privé et d’une intégration rapide.

- N’y a-t-il pas des limites à la solidarité?
- Toni Brunner: Si. Un jour ou l’autre, ces gens devront rentrer. Les Ukrainiens sont un peuple fier, ils ont besoin de leurs concitoyens.
- Esther Friedli: C’est pourquoi il est important que la Suisse reprenne son rôle de médiatrice. Nous avons un vaste savoir-faire en la matière et nous pourrons également aider à la reconstruction sur place.

Bienvenue au Café du Coin

Le Café du Coin est une initiative promotionnelle de L’Illustré et de la Schweizer Illustrierte, en collaboration avec DEAR Foundation-Solidarité Suisse et UBS Suisse.

Par Thomas Renggli publié le 13 avril 2022 - 08:53