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Le duo musical Aliose s’adapte au rythme familial

La naissance à l’été 2021 d’Aïcéa, leur premier enfant, après dix-sept ans de vie commune, a bouleversé les habitudes d’Alizé Oswald et Xavier Michel. Ils nous ont reçus chez eux, à Bursins (VD), après la sortie de «Regarde ailleurs», leur dernier album très réussi.

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Alizé Oswald et Xavier Michel (le duo Aliose) avec leur petite Aïcéa.

Promenade à trois pour le duo Aliose. Alizé Oswald et Xavier Michel arpentent les vignes situées sur les hauts de Bursins (VD), le village où ils se sont installés, avec leur petite Aïcéa.

Blaise Kormann

Exit le centre de Genève, délaissé pour une jolie maison située à Bursins (VD), village du conseiller fédéral Guy Parmelin. Alizé Oswald et Xavier Michel, alias Aliose, recherchaient un nid douillet où accueillir et voir grandir leur fille Aïcéa, 18 mois. Un bel écrin, bordé de vignes au nord et s’ouvrant au sud sur le Léman en contrebas et, plus loin, le Mont-Blanc. Leur repaire est niché sous le toit. Une balançoire, fixée à une poutre, barre l’entrée de la cuisine. «Le spectacle des étourneaux cet automne était somptueux, s’enthousiasment nos hôtes. Après leur passage, le crépitement sur les velux nous a surpris: ils nous ont littéralement mitraillés!» Sympa.

Aliose a bouclé l’année avec un nouvel album, intitulé «Regarde ailleurs». Le duo, amoureusement réuni depuis 2004, a osé cette fois quelques titres plus dansants, portant la griffe de deux musiciens du groupe bruxellois Puggy. «On avait besoin d’une énergie nouvelle, surtout en concert», indique Alizé Oswald en surveillant Aïcéa, qui promène sa houppe blonde en rampant. Cette enfant, la Nyonnaise et le Genevois ont pris le temps de la concevoir. Dix-sept ans! «On s’est toujours dit qu’on aurait des enfants un jour, parce qu’on s’aime et qu’on avait envie de fonder une famille, mais la musique a toujours été notre priorité», reconnaît Alizé, sincère.

Le succès impose une mécanique. Il oblige. S’arrêter, c’est risquer l’oubli. L’album «Regarde ailleurs» aurait dû sortir en 2020, mais après la mise en ligne du single «J’ai oublié» «la veille de l’annonce du premier confinement», la pandémie a tout décalé.

On ne compte pas les disques et les livres réalisés durant cette période… Aliose a choisi de se distinguer: «Nous, à l’inverse, on s’est dit qu’on allait faire une petite fille.» Un bébé covid, en somme. Original.

En quête d’équilibre idéal

«Reste que, depuis l’arrivée de la pandémie, on n’a strictement rien écrit pour nous, avoue Xavier. On a travaillé pour d’autres. Pas pour Aliose.» Le successeur de «Regarde ailleurs» constituera, c’est certain, un défi inédit pour le tandem, devenu famille.

Maman épanouie d’un «petit animal social», comme elle le dit avec tendresse, Alizé Oswald a les yeux de Chimène pour son «psychopathe» de compagnon. Humour. «Xavier est un boulimique. Il écrit sans arrêt sur ses petits calepins. Dans sa bulle.» Elle l’apostrophe: «Avec la petite, c’est d’ailleurs peut-être plus difficile pour toi, non?» Silence prudent.

Malgré l’aide d’une maman de jour, le couple n’a «pas encore trouvé l’équilibre idéal» entre travail et vie familiale. «Notre fille a eu des soucis de santé au début de sa vie, on l’a donc très peu fait garder la première année, explique Alizé. Elle va super bien, maintenant! A nous d’aménager notre temps pour pouvoir continuer de créer ensemble.» Xavier approuve.

Aliose

En ce début 2023, Aliose se produira à l’Azimut, à Estavayer-le-Lac, le 4 février, et présentera un spectacle illustré au Théâtre de Grand-Champ à Gland, le 17 mars.

Blaise Kormann

Aliose, qui a longtemps fonctionné selon une mécanique bien huilée, à deux, doit se réinventer. «Il faut rééquilibrer les choses, enchaîne Xavier. Les gens ne se rendent pas compte, mais 80% de notre emploi du temps est consacré à l’administratif. C’est un business. Moi, sur le plan créatif, j’écrivais beaucoup la nuit, entre 23 heures et 4 heures du matin, en décalant le réveil. Ce n’est plus possible avec la petite. Ces moments-là, où je savais que je ne serais pas dérangé, n’existent plus. Tout en nous adaptant au rythme d’Aïcéa, il nous faut retrouver du temps pour nos chansons.» Et planifier le quotidien, ce que la liberté d’Aliose avait épargné au duo depuis les débuts.

Le couple est néanmoins au diapason. Aux anges aussi. «Pas une fois, depuis la naissance d’Aïcéa, nous n’avons regretté quoi que ce soit», insistent-ils.

Alizé Oswald reconnaît pourtant qu’au départ l’idée d’une grossesse n’allait pas de soi. «C’est vrai que je me suis demandé si ça avait du sens de faire un enfant dans un monde qui part en vrille. J’en ai même parlé avec ma mère, mais Xavier et moi, on pense que la vie vaut d’être vécue, quoi qu’il arrive.» Pas simple toutefois d’être optimiste, confie le jeune papa, historien de formation: «Je suis convaincu que l’être humain saura s’en sortir, mais je ne peux que constater sa tendance à l’autodestruction. C’est très perturbant.»

Dans un système qui, selon eux, «mène l’humanité droit dans le mur», ils s’efforcent d’agir de façon responsable. «On peut vivre avec tellement moins de choses», insiste Alizé. Pour habiller leur fille, ils n’ont (presque) rien acheté. Tout a été récupéré auprès de proches. Idem pour une partie du mobilier. «On essaie vraiment l’un et l’autre de mettre de la conscience dans ce qu’on fait.»

Le prénom de leur fillette a une histoire singulière. «A 18 ans, j’ai séjourné à Cambridge, raconte sa maman. Là-bas, j’avais un pote basque. Un jour, je lui ai expliqué qu’Alizé, mon prénom, était le nom d’un vent. Il m’a dit qu’au Pays basque le vent se dit «haizea» (prononcez «aïcéa») et que c’est aussi un prénom. En rentrant d’Angleterre, en 2006, j’ai raconté ça à Xavier et il a dit que si un jour on avait une petite fille, on l’appellerait ainsi. Il en a même fait une chanson, qui est dans un tiroir.» Touchant.

Aliose en famille

Scène de bonheur familial pour Alizé et Xavier, jouant dans le salon de leur petit nid douillet aux poutres apparentes avec leur fille Aïcéa, née le 23 juillet 2021.

Blaise Kormann

La petite n’est pas née le 10 août 2021, comme indiqué par erreur dans certains articles sur internet, mais bien le 23 juillet. «J’ai été provoquée le 22 juillet, mais Madame m’a fait poireauter jusqu’à l’après-midi du 23 avant de venir au monde. Trente-deux heures de contractions!» Pas pressée, la gamine…

La langue d’Aliose

La complémentarité qui unit les deux artistes, leur amour intact, leurs différences aussi sautent aux yeux. «Xavier est très lent, très contemplatif, confie sa compagne. Moi, je fonce! Il est d’un naturel réservé et timide, moi, je vais au contact.» Pourtant, entre le riche monde intérieur de Xavier et le caractère solaire d’Alizé, les passerelles sont multiples.

Aliose a vu sa notoriété exploser après sa sélection aux Victoires de la musique en 2018, à Paris. Avec une exigence qui l’honore, le duo élabore des chansons francophones à portée universelle. La langue d’Aliose est sincère, claire, précise. «C’est difficile de bien faire sonner le français. Le défi consiste, comme dans un numéro de cirque, à rendre l’ensemble simple et hyper-accessible. Et si l’on parvient à dégager plusieurs niveaux de lecture, c’est l’idéal», insiste Alizé Oswald.

«Des volcans sous la peau, des rêves au galop»: Aliose a le sens des métaphores. «Je suis sûre que ça, c’est de moi», lance Alizé. Xavier rit. «Et je suis certaine qu’il m’a dit: «Mais qu’est-ce que c’est kitsch!» Quand on écrit ensemble, il faut sortir les gants de boxe!» Ils se marrent. Sur le nouvel album, le couple distille quelques détails autobiographiques. De manière subtile ou drôle. Dans «It’s Lovely», on apprend qu’Alizé a des pieds bizarres. «C’est vrai», déplore-t-elle, hilare.

Dans «Ça reste là», Xavier, dont le père est décédé en 2010, évoque le deuil avec délicatesse. «Ce qui m’intéressait, c’était de dire qu’avec le temps les choses s’estompent un peu. D’abord on y pense sans arrêt, puis un peu moins et tu finis par presque t’en vouloir de ne plus y penser autant. La culpabilité qu’on peut ressentir... C’est rare en chanson.» Bien vu.

L’album «Regarde ailleurs» se termine sur un bonus inattendu: une reprise, ou plutôt une adaptation, du tube disco «I Love America», de Patrick Juvet. Façon Aliose, c’est-à-dire en version «intimiste, mélancolique et en français». Décédé le 1er avril 2021 à Barcelone, Patrick Juvet n’a pas pu l’écouter. Il n’ont d’ailleurs eu aucun contact.

Constatant l’absence totale de disco dans l’étagère à CD du couple, on s’interroge sur le choix de ce titre. «C’est une commande de la RTS, répond Alizé, qui souhaitait rendre hommage à Juvet. Au départ, ils nous ont demandé une simple reprise, mais notre péché mignon est d’adapter des tubes anglophones en français. Ça s’y prêtait. On aime s’approprier, déformer, s’amuser. Finalement, le projet de la RTS n’a pas abouti. On l’a donc mis en bonus sur l’album.» Exercice de style réussi, à l’image du disque.

Par Blaise Calame publié le 29 janvier 2023 - 09:05