Le désir d’enfant
«J’ai traversé une époque où je voulais absolument devenir mère. Puis ça m’est passé. Je me suis faite à l’idée que ça dépendrait de la vie… J’ai 34 ans, je ne suis pas en fin de vie, hein, mais ça commençait un peu à me travailler. Cela dit, je me disais: «S’il y a un enfant, c’est super.» Mais je n’en faisais pas une obsession.»
Le test de grossesse
«On voulait un enfant, mais on ne savait pas que ça allait arriver aussi vite! Le jour où j’ai appris que j’étais enceinte, je n’y croyais tellement pas que j’ai fait au moins huit tests de grossesse pour vérifier. C’était un vrai choc. On s’est posé 1001 questions tous les deux sur nos vies qui allaient changer, lui aussi est dans la restauration et tient son propre établissement. Nous, les mamans, on vit quelque chose de fort pendant neuf mois. On sent le bébé bouger, on a des nausées, les chevilles qui enflent et tout ce qui va avec, mais j’ai l’impression que pour lui tout cela est vraiment devenu réel quand le bébé est arrivé.»
La première échographie
«Là aussi je craignais d’avoir une réaction inappropriée. Je voulais absolument une petite fille. J’avais peur de lâcher un «ah non, c’est un garçon», alors qu’on n’a pas le droit d’avoir des réactions comme ça! Je m’étais donc préparée et mis en tête que c’était un mec. Alors quand on a fait l’échographie et que c’était une fille, c’était le pompon! J’étais super heureuse. Je suis rousse comme moins de 2% de la population mondiale, aujourd’hui je regarde ses petits reflets roux et je trouve qu’elle est vraiment trop chou!»
La grossesse
«Alors je le dis franchement: moi, je n’ai pas aimé être enceinte. Il y a des femmes qui le vivent très bien, et qui adorent ça et c’est très bien, ça n’a simplement pas été mon cas. Voir mon corps changer, la prise de poids – j’ai quand même pris 20 kilos! –… Je ne ressemblais plus à rien. En plus, tu ne contrôles plus rien de ce qui se passe en toi. Je n’ai pas eu la moindre envie de fraises, mais j’ai descendu des litres et des litres de jus d’orange! Pour moi, c’est compliqué. En tant que cuisinière, j’ai le pouvoir de tout changer dans une recette, de faire des réglages, je choisis chaque ingrédient. Je n’ai pas l’habitude de n’avoir aucune influence sur ce que je mange.
Il y a aussi eu des moments où je n’étais pas bien du tout. Il m’est arrivé d’aller aux urgences parce que tout à coup quelque chose me semblait anormal. En fin de grossesse par exemple, j’ai soudainement eu une irritation de la peau. Ça me grattait partout, à m’en rendre folle. Et comme tout le monde, j’ai fait ce qu’il ne fallait pas faire: je suis allée chercher des explications sur internet et j’y ai trouvé des horreurs. J’ai complètement flippé! Alors je suis allée à l’hôpital et ils m’ont rassurée. C’est affreux, ce genre de situation. Tu te dis que ce n’est sûrement rien, et que tu auras l’air ridicule. Mais si tu n’y vas pas et qu’il se passe quelque chose de grave, tu sais que tu t’en voudras toute ta vie. J’ai réalisé que je n’étais plus responsable que de moi, mais aussi d’une autre personne. Mais même si j’étais très inquiète, je me réjouissais vraiment qu’elle arrive.»
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Lever le pied
«Je suis restée active tout le long de ma grossesse, mais pendant les deux dernières semaines avant la naissance, je faisais beaucoup trop de rétention d’eau. J’étais comme une poupée russe: tu me poussais, je roulais! Et puis ma cuisine est tellement petite, on est neuf dedans: j’étais plus encombrante qu’autre chose. C’est là que je me suis rendu compte que je n’avais pas le choix, j’étais obligée d’arrêter. J’ai dû apprendre à lâcher prise, à faire entièrement confiance à mon équipe. J’étais déjà consciente que sans elle je ne suis rien, mais cette fois je devais vraiment tout lâcher.
Tout le monde a été super. Les clients ont très bien compris et leur soutien m’a fait beaucoup de bien, parce que parfois, je me sens un peu prisonnière et redevable: c’est important que nous, les chefs de cuisine, soyons toujours là lors des services de midi et du soir. Venir manger chez nous, ça a quand même un certain coût. Les gens économisent et ont envie de voir la cheffe ou le chef et c’est bien normal. Mais ce n’était simplement plus possible. Mon équipe a pris le relais comme des chefs. Et, à son arrivée, ma fille a été accueillie comme un pape!»
La césarienne
«Ça peut sembler ridicule mais je me trouvais grosse et moche et je voulais absolument passer chez l’esthéticienne avant l’accouchement! On sait bien qu’après on ne peut plus toucher à rien pendant au moins un mois et demi, alors je tenais à ce petit acte de coquetterie qui fait aussi partie de moi.
Je ne sais pas comment les autres l’ont vécu, mais en entrant au bloc opératoire à Rennaz, j’ai craqué et me suis mise à pleurer, j’avais tellement peur. Je devais faire une césarienne, je me posais mille questions: est-ce que Camille ira bien? Est-ce que je vais mourir? Est-ce que le papa – qui venait de se blesser gravement à vélo – allait tenir le coup?…
J’avais aussi peur de la rejeter, peur du sang, peur qu’elle soit toute bleue… Mais Maria Pagnozza, la chirurgienne et cheffe de service, a été formidable. Elle était très douce, sans jugement et m’a complètement rassurée et m’a accompagnée tout au long de la procédure. Et quand elle a baissé le champ, j’ai aperçu Camille: elle était tellement belle! Et ce n’est pas parce que c’est ma fille. Jamais je n’aurais pensé ressentir une émotion pareille! Et le papa a tenu le choc sans problème.»
Premières heures, premiers jours
«Le premier jour, je l’ai retrouvée en chambre après qu’elle a passé un moment «peau à peau» avec son papa. Il a dû aller travailler et on s’est retrouvées rapidement juste les deux. C’était rigolo parce qu’elle est là, tu la regardes, mais tu es à moitié dans les vapes. Tu l’aimes parce que c’est ta fille, mais tu ne réalises pas encore clairement ce que c’est. C’était un moment étrange. A ce moment-là, je me suis demandé si c’était normal de ne pas ressentir plus de choses pour elle.
Mais ça, c’était le premier jour. Dès le lendemain, j’ai senti cet amour grandir. Et le troisième jour, quand la pédiatre est venue faire sa prise de sang et a piqué son minuscule talon, c’est là que tout s’est déclenché pour moi. Camille s’est mise à pleurer et j’ai dit à la pédiatre: «Si elle continue à pleurer, vous aurez affaire à moi!» Aujourd’hui, ça me fait rire, mais ça me faisait mal qu’on lui fasse du mal! J’étais tout à coup une vraie mère lionne, je pouvais tuer pour la défendre.
Ensuite j’ai décidé de rester quelques jours seule avec Camille à la maternité, en autorisant uniquement la visite de personnes très proches. Juste le temps qu’on atterrisse.
Pendant les dix premiers jours, à l’hôpital comme à la maison, on a pris nos marques à trois avant de laisser le reste de notre entourage venir lui sauter dessus. A partir de là, tu te rends compte que ta vie va être totalement différente. Tu t’adaptes à son rythme, tu t’occupes d’elle à deux, tu la changes et tu la berces à tour de rôle, même si, la tétée, il n’y a que moi qui peux la faire!
Bon, elle est géniale, Camille. Elle ne pleure pas. Enfin, seulement quand elle a quelque chose qui ne va pas. Tu te dis: «Super, j’ai le bébé magique.» Puis, à 14 jours, elle te fait une poussée de croissance, les coliques apparaissent et elle doit manger beaucoup plus souvent… toute ta routine est bouleversée! Mais je suis consciente qu’il va y avoir encore plein de réglages au cours des… trente prochaines années! Heureusement, je n’ai pas trop eu le baby-blues. J’ai pleuré un peu pendant trois jours, puis c’est passé. La seule chose que j’ai trouvée pénible, c’était de ne pas trop pouvoir sortir à cause de la chaleur pendant les semaines de canicule. Moi qui ai toujours besoin de bouger dans tous les sens! Mais Camille était encore très petite, et il faisait vraiment trop chaud.
Désormais, je partage ma vie avec ce petit être qui me prend 80% de mon temps. Alors je lui explique les choses, je lui parle. Je lui dis ce qu’on va faire à mesure, qu’on va rentrer dans vingt minutes et qu’elle pourra manger à ce moment-là. Et elle est vraiment chouette: elle arrête immédiatement de pleurer et elle attend les vingt minutes. C’est assez dingue. Par contre, une promesse est une promesse et il ne faut pas la prendre pour un jambon et dépasser le temps fixé. J’ai sincèrement l’impression que ma fille me comprend si je lui explique les choses. Je pense qu’un bébé a besoin qu’on lui parle mais aussi d’être orienté, qu’on lui fixe un cadre. Tout comme il a besoin de stabilité et d’être protégé. Ce n’est pas un jouet ni un trophée, c’est un petit être qui a déjà pas mal de choses à gérer, c’est pour ça que je refuse que tout le monde la porte.»
Le rôle du père
«Le papa est impliqué, il s’en occupe, il prend soin d’elle. Son monde a totalement changé. Il voulait aussi un enfant alors je trouve que c’est tellement joli de pouvoir le lui offrir. J’ai des vidéos du premier bain qu’il lui a donné et elles me font monter les larmes. Comme pour tous les couples, ce n’est pas toujours tout beau, tout rose. On a eu des tensions, comme tout le monde j’imagine, mais nous nous adaptons à mesure.»
Le lien mère-fille
«Ma maman, Corinne, est comme moi: on a des caractères forts et on se connaît très bien. On n’a pas besoin de se dire je t’aime pour savoir qu’on s’aime. Mais c’est rigolo parce que là, elle est complètement gaga! Avant, elle était peu démonstrative, mais en même temps très protectrice. Depuis qu’elle est devenue grand-maman – c’est la première fois – elle fond complètement, c’est à ne plus la reconnaître!
J’ai eu la chance d’avoir une vie stable, avec des valeurs. Mais devenir mère m’a fait découvrir une nouvelle facette de mes parents. Depuis que je suis adulte, ils me confient leurs secrets de jeunesse, les bêtises qu’ils ont pu faire. Avant ça, tu ne dis rien à tes enfants. Tu ne veux pas qu’ils fument, qu’ils sortent en cachette, tu veux que ta fille fasse attention avec les garçons… Et là, en devenant grands-parents, ils montrent encore d’autres choses.
Je suis loin d’être parfaite, j’ai fait les 400 coups, et je peux me regarder droit dans le miroir. Mais j’avoue que si ma fille me fait déguster un dixième de ce que j’ai fait subir à ma mère, on n’a pas fini de rigoler!»
La reprise
«Je me doutais bien que j’allais être une mère lionne, mais je ne savais pas si ça allait me bouleverser au point de vouloir changer de vie. Mais là, je ne me vois absolument pas changer quoi que ce soit, même si je dois bien avouer que me séparer ne serait-ce qu’un petit moment de ma fille est encore bien douloureux. Mais au fur et à mesure que le temps passe, on trouve des solutions.
Beta, qui était ma sous-cheffe depuis dix ans et qui est comme une deuxième maman pour moi, va être la nounou de Camille. Elle me connaît par cœur. Si je lève un sourcil, elle sait immédiatement ce que ça veut dire. C’est une aide très précieuse.
J’ai recommencé à travailler, comme plein de mamans. Il va falloir qu’on s’adapte l’une à l’autre, qu’on travaille ensemble pour que les choses se passent bien. C’est le deal que j’ai fait avec elle depuis que je suis tombée enceinte, je le lui ai toujours dit dans mon ventre. Elle vient au monde dans une famille de restaurateurs, pour moi c’est une passion, il va falloir composer. Je respecte totalement les choix de vie différents que font les nouvelles mères de famille, mais, en ce qui me concerne, je suis convaincue que je peux être une bonne maman et continuer à créer et à faire prospérer mon restaurant.
Je ne serai pas une maman parfaite, ni tirée à quatre épingles, j’aimerais simplement qu’elle soit fière de moi. Le plus important, c’est de faire les choses comme on les ressent. Et ma fille va me donner de la force, parce que j’ai envie de faire les choses bien pour lui servir d’exemple.»
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Ma sauveuse!
Ou plutôt celle de ma fille lorsqu’elle a eu des coliques. Alexandra Morisod est ostéopathe et, grâce à sa tendresse et à ses manipulations toutes douces, elle a réussi à diminuer de 50% ses crises digestives. Après seulement une séance, Camille était déjà apaisée et calmée. ll n’y a que de bonnes ondes qui émanent d’Alexandra et c’est d’ailleurs son énergie toute particulière qui a aussi attiré mon personnel du Café Suisse. Elle a retapé une bonne partie de l’équipe et je ne peux que la recommander vivement.
>> Alexandra Morisod, ostéopathe, dipl. CDS-GDK, membre FSO-SVO, Rue de Nagelin 20, 1880 Bex, 024 471 65 20